La dématérialisation des supports de billettique : tour du monde des innovations

Prendre les transports parisiens sans pass Navigo, uniquement grâce à son smartphone : un rêve il y a quelques années, une réalité d’ici peu. Ile-de-France Mobilités lance une expérimentation début 2019 permettant aux usagers d’emprunter les transports en utilisant leur téléphone comme support du titre.

Au-delà de cette initiative, il existe d’autres dispositifs permettant de voyager en toute légalité sans ticket magnétique papier. Quelles sont-ils ? Quels outils permettent de dématérialiser le support de son titre de transport ?

Les cartes, un moyen de voyager sans ticket papier

1. La carte magnétique multi-usage

Au Japon, il est possible d’emprunter les transports en commun en utilisant une carte magnétique multi-usages. Celle-ci est en fait une sorte de portefeuille électronique qui permet aux individus de payer les transports en commun, le taxi, leurs courses au supermarché ainsi que certains restaurants.

Du point de vue des usagers, elle constitue une amélioration par rapport au ticket papier puisqu’un même support va permettre de stocker un moyen de paiement auprès de plusieurs entités : il n’y a pas de support spécifique pour les transports en commun. Néanmoins, les voyageurs doivent toujours se rendre (et souvent attendre) aux guichets ou aux bornes dédiées pour recharger leur carte et seuls des tickets unitaires sont compatibles avec ce dispositif.

La carte magnétique multi-usage est cependant peu coûteuse à déployer pour les opérateurs de transport dans la mesure où elle est compatible avec le matériel déjà existant (les tickets magnétiques font appel à la même technologie). Malheureusement, elle ne permet pas de désengorger les points de vente puisque les usagers sont obligés d’y venir pour recharger leur carte.

2. La carte bancaire et l’open payment

Autre carte, autre fonctionnement. Londres apparait comme une ville précurseur dans le domaine de l’open payment.

Cette solution permet aux usagers de régler leur voyage directement grâce à leur carte bleue sans contact, en l’apposant sur les valideurs à l’entrée et à la sortie du métro ou du bus. La facturation se fait en fin de mois, au tarif le plus avantageux au regard de leur consommation : par exemple, le montant d’un tarif journée illimité s’ils ont beaucoup emprunté les transports un jour dans le mois et ensuite le prix d’un trajet unitaire pour les déplacements occasionnels réalisés.

Pour les usagers, cette solution présente plusieurs avantages. Tout d’abord, ils n’ont plus à se préoccuper de l’achat anticipé de leur titre de transport. Ils sont également assurés de payer le prix le plus avantageux, le montant maximal mensuel étant plafonné. Enfin, l’open payment est pratique pour les touristes : ceux-ci n’ont plus à se rendre sur des bornes d’achat, pas toujours faciles à utiliser quand on ne parle pas la langue locale. Toutefois, au-delà d’une certaine fréquence d’utilisation des transports en commun, cette solution n’est pas financièrement intéressante en comparaison à des abonnements. Notons aussi qu’en cas de voyage en groupe ou en famille, il faudra une carte bancaire différente par membre, ce qui est contraignant. Le dispositif s’adresse donc essentiellement à des usagers voyageant seuls et de façon occasionnelle.

Mais si l’open payment permet de désengorger les points de vente, sa mise en place est coûteuse pour les opérateurs de transport car elle nécessite de renouveler l’ensemble du matériel de validation et de contrôle afin de permettre la remontée des données de validation et de transaction de façon fiable et sécurisée.

Le smartphone, un outil pour stocker le titre de transport

Pour répondre à l’évolution des habitudes des usagers, de plus en plus équipés en smartphone, les opérateurs de transport s’orientent aussi vers des solutions de dématérialisation de la billettique reposant sur ces appareils.

1. Le Ticket SMS

Ainsi, à Luxembourg, il est possible d’acheter son titre de transport en envoyant un SMS à un numéro dédié, au moment où la personne souhaite emprunter les transports en commun. Elle reçoit alors un code composé d’une suite de lettres et de chiffres qui certifie qu’elle a acheté un ticket et qu’elle montrera au contrôleur en cas de besoin. Le montant du trajet est ajouté à sa facture téléphonique.

Pratique puisque cela permet d’acheter un titre au dernier moment sans attendre à un guichet, cette solution présente néanmoins des contraintes pour les usagers : ne sont éligibles que ceux ayant un abonnement téléphonique auprès d’un opérateur local. Les touristes et frontaliers sont donc exclus du dispositif. En France, le Ticket SMS est en service à Rouen mais ne s’adresse qu’aux client d’Orange, SFR et Bouygues. L’anticipation de l’achat n’est pas possible et seuls des titres unitaires peuvent être achetés par ce biais. Pourtant, la mise en place de ce système est très coûteuse pour les opérateurs de transport (commission à reverser, paramétrage de la plateforme et abonnement mensuel SaaS).

2. Le smartphone et la technologie NFC

La ville de Grenoble a déployé il y a quelques années le système appelé Tag & Pass. De façon concrète, les usagers téléchargent une application mobile sur laquelle ils peuvent acheter leurs titres de transport.

Ensuite, en montant à bord des bus et trams, ils passent leur smartphone sur le valideur et le titre est automatique validé, même si le téléphone portable n’a plus de batterie ou qu’il n’y a pas de réseau, grâce au NFC.

Vous l’aurez compris, cette solution est donc très pratique pour les usagers : elle flexibilise l’achat du titre (qui peut être fait n’importe quand et directement depuis son smartphone) et évite d’avoir un support spécifique pour stocker les titres de transport. La facturation se fait automatiquement en fin de mois, avec un paiement par prélèvement automatique.

Le déploiement de cette technologie a un coût limité puisque les tags NFC sont peu coûteux et qu’elle fonctionne avec les valideurs sans contact existants.

Cependant, tous les téléphones ne supportent pas le NFC : en 2021, sur 6,1 milliards de smartphones en circulation, seuls 3,9 milliards seront compatibles NFC.

 

3. Le smartphone et le QR code

Dématérialiser le titre de transport sur son smartphone peut aussi se faire via la génération d’un QRcode. C’est la solution retenue par des villes telles que Chicago (Ventra) ou Orléans (Tao).

Là aussi, les usagers téléchargent une application mobile leur permettant d’acheter leurs titres de transport. Au moment de les utiliser, ils cliquent sur le titre de leur choix depuis l’application et cela génère un QR code. Celui-ci est validé auprès de bornes spécifiques ou vérifié visuellement par le conducteur des bus.

Encore une fois, cette solution présente l’avantage de faciliter l’achat des titres et de pouvoir l’anticiper. De plus, il n’est pas nécessaire d’être connecté à internet pour activer et valider le titre.

Cependant, la distance et la luminosité influencent la durée de traitement des QR codes lors de la validation et du contrôle. Et le simple contrôle visuel par le conducteur pose la question de la fiabilité de la vérification : comment différencier deux codes d’un simple coup d’œil ?

 

4. Le smartphone et la technologie Bluetooth

Toujours autour du smartphone, certaines villes comme Saint-Etienne, ont fait le choix de se tourner vers des solutions faisant appel à la technologie Bluetooth, beaucoup plus répandue que le NFC.

Une fois les titres achetés sur l’application mobile, les usagers, lorsqu’ils montent à bord des transports en commun, cliquent sur le titre qu’ils souhaitent utiliser. Celui-ci est alors automatiquement validé grâce à des bornes beacon présentes dans les bus et métros.

Contrairement au NFC, il faut que le smartphone soit allumé, avec le Bluetooth activé, ce qui est plus contraignant pour les voyageurs. De plus, seuls des titres unitaires ou des carnets de dix tickets sont disponibles via ce dispositif. Malgré tout, par rapport au ticket magnétique papier, les usagers gagnent en praticité dans l’achat de leurs titres de transport et en simplicité dans la validation de ceux-ci, puisqu’ils n’ont plus à se rendre auprès d’une borne de validation.

Du côté des transporteurs, cette solution leur permet de désengorger leurs points de vente car les usagers achètent leurs titres sur l’application mobile directement. Elle est en plus peu coûteuse à déployer : un balise beacon ne coûte qu’une vingtaine d’euros. Cependant, certains soulignent l’instabilité technique du dispositif, qui empêche par moment les usagers de valider leurs titres.

Des solutions pour l’avenir

1. La reconnaissance faciale

La reconnaissance faciale est une technique d’authentification et d’identification de plus en plus déployée dans les aéroports à travers le monde. Washington, Atlanta, Singapour ou Aruba ne sont que quelques exemples parmi la longue liste de ceux qui ont investi ce domaine.

Prenons l’exemple de l’aéroport d’Aruba et de son parcours Happy Flow pour mieux comprendre comment cette technologie fonctionne et à quoi elle sert.

A son arrivée à l’aérogare, le voyageur se rend sur une borne de pré-enregistrement.  Il enrôle sa biométrie. Pour cela, il scanne son passeport et la borne compare son visage à celui enregistré sur la puce du document. S’ils correspondent, sa biométrie lui servira de token unique pour l’ensemble de son parcours en aéroport et elle sera associée à son billet d’avion. Grâce à ça, le passager n’a plus besoin de sortir son passeport ou sa carte d’embarquement. Il est automatiquement reconnu au comptoir dépose-bagages, aux contrôles de sûreté, aux contrôles aux frontières ainsi que pour l’embarquement, au moyen de caméras.

Ce dispositif permet aux voyageurs de ne plus montrer leur passeport et/ou leur carte d’embarquement à chaque étape du parcours en aéroport. Le recours à cette technologie apporte également de la fluidité car les contrôles en reconnaissance faciale sont plus rapides que ceux réalisés manuellement. Les voyageurs sont donc gagnants, mais les voyagistes aussi. Une étude montre qu’une minute gagnée lors des contrôles se traduit par 0,70$ dépensé au duty free. Ce gain de temps est aussi un moyen pour les compagnies aériennes de réduire la durée de leur rotation et, ainsi, augmenter leurs recettes.

Toutefois, il est à noter que la fiabilité de la technologie est encore à améliorer : celle-ci reste sensible aux variations de luminosité, pouvant alors renvoyer de faux résultats ou allonger les temps de traitement. De plus, pour les aéroports, cela suppose des investissements conséquents.

2. La puce RFID sous-cutanée

Enfin, une technique que l’on pourrait qualifier « d’avant-gardiste » émerge en Suède. Là-bas, quelques milliers de personnes sont équipées d’une puce RFID sous-cutanée et il est possible d’y stocker ses billets de train dématérialisés.

La solution est en apparence pratique : elle offre la possibilité de prendre le train sans avoir de support spécifique pour son billet. Pour la compagnie ferroviaire SJ (qui propose ce service), sa mise en place ne nécessite pas d’investissement particulier en matériels puisque la technologie est la même que pour les cartes d’abonnement déjà en circulation. Cependant, ce dispositif ne s’adresse qu’à une petite part de la population (équipée en puce RFID sous-cutanée), d’autant qu’il soulève de nombreuses questions éthiques. Le principal enjeu est d’assurer la sécurité et la protection de l’ensemble des données stockées sur les puces (on y trouve en effet des données liées à l’identité de la personne).

 

Ce tour du monde des initiatives de dématérialisation de la billettique nous montre que les idées sont nombreuses. Nous sommes actuellement dans une période où la billettique est en pleine évolution et certains opérateurs de transport proposent à leurs clients plusieurs des solutions présentées. Mais l’existence simultanée de ces différents systèmes, et la gestion de la compatibilité entre eux, est-elle tenable sur la durée ? Les opérateurs vont-ils se recentrer d’ici quelques années sur un nombre restreint de solutions ?

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