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Les contraintes et impacts pour les opérateurs de transport de la dématérialisation des supports de billettique

Dans mon précédent article, je vous emmenais faire un tour du monde des innovations en matière de dématérialisation de la billettique. Souvenez-vous : il est possible de stocker son titre de transport sur son smartphone ou même sur une puce RFID sous-cutanée !

Si ces dispositifs semblent très attractifs, leur mise en place n’est pas sans conséquences pour les transporteurs : quelles sont les contraintes auxquelles ils font face ? A quels impacts doivent-il s’attendre ?

 

Les contraintes à prendre en compte pour les opérateurs de transport

Lorsqu’un opérateur décide de lancer un projet de dématérialisation, il doit principalement faire face à cinq types de contraintes :

 

1. Les contraintes financières

La capacité financière de l’acteur ainsi que ses ressources disponibles vont tout d’abord influencer le choix de la solution de dématérialisation retenue. En effet, certaines sont compatibles avec le matériel existant et ne présente donc qu’un coût relativement faible, tandis que d’autres nécessitent de renouveler l’ensemble des équipements d’achat, de validation et de contrôle, ce qui augmente leur coût de déploiement.

Les ressources financières disponibles se répercutent aussi sur la vitesse de déploiement des nouveaux dispositifs. Prenons un exemple pour mieux comprendre : le renouvellement des bornes de validation à bord des bus. Il ne peut se faire que lorsque le matériel est à l’arrêt, c’est-à-dire la nuit, ce qui allonge logiquement le temps nécessaire pour le renouvellement de l’ensemble des équipements. Cependant, si le transporteur dispose de ressources élevées, il peut être en mesure de louer du matériel roulant de remplacement, lui permettant de mettre à l’arrêt en même temps l’ensemble de sa flotte habituelle et, ainsi, de renouveler beaucoup plus rapidement les valideurs à bord.

2. Les contraintes de temps

 

Dans de tels projets, les opérateurs doivent aussi tenir compte de différents éléments qui influencent le déroulement et la vitesse de réalisation.

 

Tout d’abord, la dématérialisation des supports des titres de transport va, dans la plupart des cas, modifier les gestes métiers de certains opérateurs, par exemple les agents en charge de la vente. Et de tels changements ne se font pas instantanément.

La courbe du deuil a été formalisée à la suite des travaux d’Elisabeth Kübler Ross. Elle illustre les différentes étapes par lequel passe un individu confronté au changement et témoigne du temps nécessaire à son acceptation. Les opérations de conduite du changement permettent d’accompagner la personne tout au long du processus et de veiller à lui donner les clés necessaires à la mise en œuvre de ce changement. Ce cycle est long et le calendrier du projet doit en tenir compte : il y aura plusieurs semaines, voire plusieurs mois, entre le moment où le projet est démarré et le moment où les agents se l’appoprient et le mettent en œuvre.

De plus, les contraintes opérationnelles (la quantité de matériel roulant disponible pour assurer le service) ont aussi des répercussions sur la durée du projet, comme nous l’avons dit précédemment. C’est une dimension à prendre en compte pour les opérateurs de transport puisque cela risque de l’allonger.

Enfin, le secteur du transport se distingue d’autres domaines par le rôle important qu’ont les pouvoirs publics dans son organisation. Par exemple, à Paris, Ile-de-France Mobilités (IDFM) est l’autorité organisatrice et fixe la feuille de route pour les 3 acteurs présents dans les transports en commun : RATP, SNCF et Optile. Il est possible que les pouvoirs publics n’aient pas les mêmes échéances de calendrier que les opérateurs de transport : par exemple, ils souhaitent voir le nouveau support pour les titres de transport déployé pour une échéance importante pour la région, sans que cela soit nécessairement l’objectif que s’était fixé le transporteur. Il convient alors de coordonner les calendriers des acteurs et cela obligera l’un ou l’autre à revoir ses priorités et la vitesse de déploiement initialement prévue.

3. Les contraintes réglementaires

Dans le cadre du déploiement d’une solution de dématérialisation des supports de billettique, les opérateurs ont à se conformer à différentes réglementations.

Tout d’abord, comme ce type de projet a souvent des impacts sur les gestes métiers et le contenu du poste de certaines catégories de collaborateurs, les transporteurs, en tant qu’employeurs, sont soumis à certaines règles, notamment en matière de consultation des instances de représentation du personnel. Ces dernières doivent être informées et consultées dans le respect des délais fixés par le Code du Travail.

Egalement, il est à noter que les solutions de dématérialisation de la billettique permettent, pour la plupart, d’accéder à plus de données personnelles que dans le passé. Lorsqu’un transporteur vend un ticket magnétique papier à un usager, il ne collecte aucune information à son sujet. Par contre, lorsqu’il propose une application mobile sur laquelle le voyageurs peut acheter ses titres, il a accès à ses habitudes de consommation, à sa localisation en temps réel, aux lignes qu’il fréquente… autant de données à caractère personnel qui font l’objet d’une législation spécifique, notamment au travers du RGPD, entré en vigueur en mai 2018. L’opérateur doit respecter l’ensemble des mesures prévues par le texte, ce qui constitue une contrainte supplémentaire pour le projet.

4. Les contraintes liées à la technologies

Les initiateurs de projet de dématérialisation des supports de billettique font aussi face à des limites liées à la technologie. En effet, tout n’est pas réalisable. La maturité actuelle des technologies ne permet pas toujours de les déployer à grande échelle ou dans tous types de transport. Par exemple, les systèmes de reconnaissance faciale restent sensibles à la luminosité et n’ont une bonne fiabilité que dans des environnements qui peuvent être contrôlés, tels que les aéroports, où les flux de personnes sont maitrisés et la luminosité paramétrable. Une utilisation pour le réseau de bus ou de métro d’une agglomération n’est donc aujourd’hui pas envisageable.

Enfin, certaines technologies soulèvent des questions éthiques qui limitent aujourd’hui leur utilisation. C’est par exemple le cas du stockage du titre de transport sur une puce RFID sous-cutanée. Le dispositif est jugé très intrusif par de nombreux citoyens. La puce stocke aussi des données liées à l’identité de la personne et la question de la protection de ces informations est au cœur des débats : comment s’assurer que les transporteurs n’y auront pas accès ?

 

La dématérialisation des supports de billettique : des impacts pour les transporteurs

Au-delà des contraintes que nous venons d’évoquer, les opérateurs de transport sont aussi confrontés aux répercussions que ce type de projet à différents niveaux :

 

Certaines solutions nécessitent de renouveler le matériel et les équipements, ce qui influence le coût et, souvent, la durée du projet.

Les systèmes d’information doivent être ajustés pour garantir la remontée des informations de validation, y compris lorsque le titre est dématérialisé. Cela permet de dimensionner le service et de refacturer les opérateurs en fonction de la fréquentation des lignes qu’ils exploitent. Par exemple, à Paris, les usagers achètent leurs titres auprès d’IDFM qui redistribuent ensuite l’argent collecté à SNCF, RATP et Optile.

Les projets de dématérialisation des supports de billettique se répercutent également sur les métiers et les processus mis en œuvre par les agents, en particulier ceux travaillant au niveau de la vente et des services après-vente. En effet, qui dit nouveaux produits dit nouvelles questions et difficultés rencontrées par les clients auxquelles il faut répondre. Les agents doivent donc être formés, ce qui prend du temps et est à intégrer dans le planning du projet.

 

 

Enfin, les opérateurs de transport peuvent espérer de ces projets des conséquences positives en termes d’image. Ils apparaissent comme plus proches des usages de leurs clients et proposant des solutions adaptées à leurs habitudes et leurs pratiques quotidiennes.

Finalement, un impact pas forcément explicité par les opérateurs mais bien réel est la baisse de la fraude. Ils espèrent qu’en offrant de multiples solutions pour acheter et valider son titre de façon plus flexible, le nombre de fraudeurs diminuera.

 

 

 

Il convient donc de retenir que le déploiement de solutions de dématérialisation des supports de billettique constitue un projet de grande ampleur, contraint dans son planning et dans le choix du dispositif par différents facteurs (financiers, temporels, réglementaires et technologiques). Les impacts pour les transporteurs sont nombreux et ne doivent pas être négligés. Ces éléments viennent renforcer notre interrogation sur la durabilité de la situation actuelle où il n’est pas rare de voir coexister différentes solutions chez un même opérateur.

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