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France Digitale Day 2015 : les start-ups au coeur de la nouvelle économie

Rendez-vous attendu par le monde des start-ups, le France Digitale Day édition 2015 s’est tenu ce 15 Septembre au Carreau du Temple, à Paris. DigitalCorner y était, et vous propose une rétrospective de cette après-midi d’immersion dans le monde de la nouvelle économie et de l’entrepreneuriat.

Piqûre de rappel : l’association France Digitale

logo-france-digitale

France Digitale est une association bien connue par les start-ups et les acteurs du numérique : fondée en 2012 par des entrepreneurs et des investisseurs qui ont voulu s’ériger contre la méconnaissance de l’écosystème numérique français, et l’incapacité de l’économie française à créer de nouveaux champions économiques. L’association s’est faite connaître en 2012 en soutenant le mouvement des Pigeons qui protestait contre la politique du gouvernement de l’époque estimée anti-économique et nuisant à l’esprit d’entreprendre.

Aujourd’hui, l’association compte 500 membres, start-ups et investisseurs du numérique, et s’affaire d’une part à aider à la montée en puissance de l’écosystème du numérique en France, et d’autre part à faire du lobbying auprès des institutions publiques françaises et européennes.

Chaque année depuis sa fondation, France Digitale crée l’événement avec sa grand-messe du « France Digitale Day », voulue comme LE rendez-vous de l’écosystème numérique et entrepreneurial qui prend chaque année un peu plus d’ampleur.

« The Battle For Greatness »

L’édition 2015 du France Digitale Day a donc sobrement été intitulée « The Battle for Greatness : How to rise in a global economy « . 

Fort de quelques expériences récentes en matière d’événements dédiés aux start-ups, il faut avouer que ce début d’après-midi ne s’est pas fait sans quelques sourires amusés à l’égard des habituels « start-up-enthousiasts » et autres hipsters rêveurs qui peuplent habituellement ce genre de rencontres. On s’attendait déjà à une longue série de pitchs plus policés les uns que les autres par des entrepreneurs souvent (trop) ambitieux qui ne rêvent que de « faire du monde un endroit meilleur » avec leur application révolutionnaire permettant de se faire livrer des fruits secs à toute heure du jour ou de la nuit.

Mea culpa, les mauvaises langues que nous sommes doivent s’avouer vaincues, et à plate couture. Tant sur le fond que sur la forme.

D’abord, la palette des exposants disséminés dans ce magnifique marché couvert en offrait pour tous les goûts :

  • Des Poids Lourds : acteurs institutionnels, quelques capital-risqueurs, la BPI à l’honneur, et de grands noms du Digital, comme Dropbox, Viadeo ou Mercedes-Benz (on n’a pas compris non plus)
  • Des Poids Plumes : avec une vingtaine de start-ups plus ou moins petites ; on pensera notamment aux sympathiques Reech ou Urban Linkers
Carreau du templs
Le Carreau du Temple était plein à craquer

Tout autour, sous un marché couvert bondé, on retrouvera bon nombre d’autres entrepreneurs venus des quatre coins de l’Europe, gravitant dans la salle à la recherche d’investisseurs ou développant leur réseau. Aucun doute, on est bien dans le grand bain des start-upers et entrepreneurs en tout genre.

On pourra regretter l’absence des grandes entreprises françaises qui dépêchent souvent des troupes issues de leurs propres incubateurs sur ce genre d’événements. Néanmoins, on a apprécié rencontrer à FDD des interlocuteurs toujours concernés et très informés sur leurs sujets. Ce n’est pas toujours le cas pour les grands groupes qui envoient parfois au casse-pipe des intérimaires d’agences de communication qui n’ont qu’une connaissance très limitée du produit qu’ils défendent.

Le Digital RH à l’honneur

Nous n’avons pas pu nous empêcher de constater une présence très appuyée des start-ups spécialisées dans le recrutement et les RH, avec notamment :

  • Viadeo, venu présenter Let’s Meet, leur nouvelle application très proche d’un Tinder professionnel (ils n’ont pas aimé cette comparaison, nous oui)
  • Talent.io, une start-up spécialisée dans le recrutement de développeurs
  • Hopwork, plateforme de recrutement dédiée aux freelances toute discipline confondue
  • Urban Linker, centré sur le recrutement dans les métiers du Web

Coïncidence ou tendance de fond, il semblerait que le marché du recrutement sur Internet se segmente de plus en plus, misant davantage sur la spécialisation des sites et des profils, que sur les plateformes plus généralistes que l’on connait aujourd’hui, comme Monster ou l’Apec. Logique, dans un sens : on assiste peut-être aussi à une « ubérisation » de ces métiers du Digital (parfois très techniques) pour lesquels il devient plus judicieux pour un grand groupe de faire appel à un freelance ou spécialiste de façon ponctuelle, plutôt que d’internaliser des ressources qui, faute de projets en rapport avec leurs profils, n’auront pas forcément de pain sur la planche tout au long de l’année. Mais on s’éloigne.

Victoire par KO 

Au centre du Carré du temple, le ring et les gradins qui l’entourent. Pas de panique, il ne sera pas question de crochets du droit ou d’uppercuts : des duos d’intervenants vont se succéder pour discuter, en live, d’une problématique. Et quels intervenants ! On comptera aussi bien :

  • Des fiers représentants de firmes d’outre-Atlantique, avec Alex CASTELLARNAU, Head of Design de Dropbox ou Nicklas LUNDBLAD, Senior Director of Public Policy & Government Relations in Europe de Google.
  • Des responsables du Digital dans de grands groupes, comme Publicis, LVMH, Allianz ou Radio France.
  • De nombreux CEO de start-ups fleurons de l’écosystème français : SigFox, Withings, ParrotDrivy, Little Market, Captain Train ou encore Blablacar.
  • Des institutionnels, notamment Benoît THIEULIN, président du Conseil D’Etat au Numérique (CNUUM) ou Nicolas DUFOURQ, à la tête de BPI France.
  • Et enfin, des politiques, et non des moindres : Jean-Louis MISSIKA, adjoint au maire de Paris pour le numérique, Laure DE LA RAUDIERE, députée spécialisée sur les questions numériques, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET et la plébiscitée Axelle LEMAIRE, Secrétaire d’Etat chargée du Numérique.

Le panel d’intervenants est si riche qu’on souhaiterait souvent en entendre plus, et on regrettera souvent la cloche qui annonce la fin d’une discussion. Mais il faut avouer que les thèmes sont très bien structurés autour de quatre problématiques majeures, plutôt adroitement couvertes, symbolisées par quatre rounds:


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Deux par deux, les intervenants s’affrontent sur le ring du FFDay

– Start-ups VS the World: on y traitera des questions qui se posent aux jeunes pousses, comme la stratégie produit, le financement sur les marchés, la communication à l’ère du Digital ou encore la stratégie de croissance : une vraie leçon de vie pour le start-uper en herbe.

– France VS France : l’écosystème politique et économique français est-il un frein ou une chance pour l’essor des start-ups ? Patience, nous y reviendrons.

– Corporates VS Disruption : ou comment réconcilier les grands groupes avec l’innovation

– Investors VS Ambition : focus sur les tenants et les aboutissants du capital risque, du point de vue des entrepreneurs et de celui des investisseurs.

 


Pour filer la métaphore du match de boxe, une jeune femme légèrement vêtue parade entre chaque round avec une pancarte annonçant le prochain : dommage pour l’image de la femme, alors qu’on nous explique entre temps que, malheureusement, encore trop peu d’entre elles se lancent dans l’entrepreneuriat…

Autre petit bémol : à part quelques rares récalcitrants, toutes les discussions se font dans la langue de Shakespeare. Très noble attention pour parler de problématiques économiques dont l’aspect international nous est sans cesse répété, et pour permettre le débat entre intervenants de tous les pays. Cependant, cette traduction est parfois maladroitement forcée lorsque tous les protagonistes sur scène sont français. On aurait peut-être préféré pour ces discussions, mettre les orateurs plus à l’aise en les laissant s’exprimer dans leur langue maternelle.

Même si l’ensemble des discussions étaient de qualité, nous allons nous attarder en particulier la seconde, dont voici quelques-unes des questions abordées:

L’écosystème économique et politique français est-il un frein ou un accélérateur pour l’entrepreneuriat ?

Est-ce que la France est un pays connecté ?

Amener le socialiste Jean-Louis MISSIKA et la Républicaine Laure DE LA RAUDIERE à un consensus sur ce sujet, il fallait oser.

D’après eux, les élites françaises, politiques et économiques, ne sont pas assez connectées, formées et sensibilisées aux enjeux de la transformation numérique. L’État souffle lui-même le chaud et le froid dans ce domaine : d’un côté, la création de la BPI ou la nomination d’Emmanuel MACRON en tant que Ministre de l’Economie sont des bonnes nouvelles pour les start-ups, mais l’incertitude fiscale, la loi sur le renseignement ou le maintien de la fantomatique agence HADOPI, rendent nos experts plus perplexes.

On se met alors à regarder ailleurs, et à envier la souplesse du système de financement britannique, ou l’influence artistique berlinoise sur la nouvelle économie. Pour s’adapter à une économie sans frontière, la ville de Paris développe aussi des partenariats, avec Tel Aviv pour commencer, et bientôt Berlin, New York et Londres. A la clé, des synergies entre les start-ups du monde entier, et la possibilité pour les jeunes entreprises étrangères de s’intégrer gratuitement dans un incubateur parisien pendant 6 mois pour tâter le terrain français.

L’ultime enjeu est surtout celui de l’éducation : il serait temps de former comme il se doit nos jeunes concitoyens au numérique et à l’entrepreneuriat.

Quel rôle joue et doit jouer la régulation nationale et européenne dans l’économie ?

À ma gauche, Benoît THIEULIN, Président du Conseil d’Etat au Numérique, porté en défenseur des droits du citoyen français sur le web. À ma droite, Nicklas LUNDBLAD, Senior Director of Public Policy & Government Relations de Google Europe. Le combat du siècle.

Pour la multinationale, il s’agit surtout de lever un maximum de barrières sur Internet, pour mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité : facile à dire quand on part avec une « petite » longueur d’avance !

Benoît THIEULIN a vite mis son adversaire dans les cordes en abordant la question de la taxation : pourquoi les start-ups doivent s’acquitter d’un impôt conséquent, quand les grands groupes échappent en grande partie aux taxes ? Le président de la CNNUM milite pour une taxation qui devrait être harmonisée mondialement, ce qui pourrait être porté par l’OCDE.

En s’appuyant sur le modèle allemand, il évoque également la création d’une agence européenne de notation Digitale : cette agence serait chargée d’émettre un avis sur les plateformes en tout genre sur le web (GAFA mais aussi banques en lignes, e-commerce, etc.) et de pointer les points noirs de chacune afin de sensibiliser et d’avertir les internautes.

Cette idée ne semblait pas déplaire au représentant de Google : cela dit, la multinationale n’a pas vraiment de quoi s’inquiéter dans l’immédiat et a encore quelques beaux jours devant elle, avant que les états européens ne s’accordent et s’organisent pour mettre sur pied un tel dispositif.

Comment des lois obsolètes freinent la nouvelle économie ?

Il semblerait que le CEO de Drivy et le Directeur juridique de Microsoft France aient finalement plus en commun que l’on pourrait s’imaginer.

Il s’agit déjà de bien distinguer deux pans de la nouvelle économie qu’il faut adresser différemment :

    • Pour l’économie du partage (Blablacar, AirBnb, etc), il s’agit de définir une fiscalité qui ferait la différence entre compensation et travail
    • Pour l’économie « On Demand » (Uber) il s’agit de définir une législation pour ces travailleurs indépendants, de définir un cadre contractuel et un statut adapté

Sans rentrer dans les détails, le gouvernement devrait définir avant tout, sur quels grands principes sociaux et économiques la législation doit se baser en matière d’innovation. Ce cadre permettrait aux entreprises de se fixer un cap quelques soient les revirements législatifs qui suivraient, les travailleurs pourraient savoir quels sont leurs droits, et les clients auraient des critères pour mieux fixer leurs attentes envers ces nouvelles compagnies.

Interview d’Axelle LEMAIRE

Axelle LEMAIRE se veut forcément optimiste sur la situation des start-ups en France : « Au cours du premier semestre 2015, les investissements en capital-risque ont progressé de 70% par rapport à la même période en 2014, ce qui témoigne du dynamisme et de l’attractivité croissante de nos jeunes pousses. »

Pour elle, l’Etat se doit de continuer à intervenir pour soutenir la nouvelle économie, et pas seulement financièrement. Quant à son secrétariat d’Etat, trois priorités se dessinent : le droit à l’oubli, la neutralité du web, et l’Opendata. Pour ce dernier point, il s’agit de mettre à la disposition de toutes les entreprises, une grande partie des données publiques récoltées par l’Etat et les collectivités territoriales.


On raccroche les gants

France Digitale Day 2015 - FinIl faut admettre que le France Digitale Day 2015 aura tenu sa promesse : rassembler tous les acteurs du Digital, pour délivrer ensemble une vision à la fois ambitieuse et réaliste, de ce que doit être la transformation numérique de l’économie française dans les prochaines années. Loin de sombrer dans l’auto-congratulation et le techno-enthousiasme à outrance, les intervenants délivrent les uns après les autres, des analyses pragmatiques et étayées qui vont, on l’espère, inspirer nos politiques lors de la campagne présidentielle de 2017.

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