Comment le minage des crypto-monnaies peut révolutionner le financement des sites web ?

L’avènement du « free » dans l’économie

En cherchant à tout prix à améliorer leur productivité et à réduire leurs coûts marginaux, les entreprises n’ont cessé de baisser les prix de leurs produits et services afin d’augmenter leurs parts de marché et le profit de leurs investisseurs. Elles n’ont cependant pas anticipé qu’Internet pourrait réduire ces coûts marginaux jusqu’à près de zéro, rendant ces produits et services majoritairement gratuits. Cette nouvelle ère de « prosumers » qui produisent et consomment du contenu gratuitement sur le web a révolutionné le rapport des marques avec leurs consommateurs.

La « monétisation » de leur site web est donc devenue une problématique primordiale pour les entreprises.

 

Financement actuel des sites web : les options envisageables et leurs limites

Plusieurs choix s’offrent aux entreprises désirant monétiser leur site web. Si la vente en ligne reste bien souvent l’option la plus rentable, elle n’est pas si simple pour tous. La rédaction d’articles sponsorisés ou la proposition de leads constituent des alternatives intéressantes. Ainsi, certains sites sont rémunérés pour tout lead apporté à un autre site web. Cela peut par exemple, prendre la forme d’une inscription à une newsletter ou d’une création de compte. Cependant, un grand nombre de sites choisissent de se rémunérer par le display via des banner ads, l’affiliation ou encore le recours à des régies publicitaires comme Google AdSense.

Un choix financier qui a ses limites : il s’avère en effet de plus en plus compliqué de vivre de ses revenus publicitaires, les pubs étant davantage bloquées par les extensions de navigateurs comme Adblock. Par ailleurs, la publicité, plus ou moins bien ciblée, dégrade sans nul doute l’expérience client.

Et si la blockchain pouvait changer cela ? Et si, en utilisant les capacités de calcul des ordinateurs des internautes, un site web pouvait générer des profits ? Serait-ce les prémices d’un web sans pub autofinancé ?

 

Qu’est-ce que le minage de crypto-monnaies ?

Le minage de la blockchain constitue une alternative aux options de monétisation d’un site web. Mais qu’est-ce que le minage exactement ? De nouvelles crypto-monnaies comme le Bitcoin sont créées via un processus de minage. Ce dernier est réalisé par des hardware assez puissants qui permettent d’entretenir la Blockchain, souvent comparée à un grand livre de compte. Ils permettent ainsi de s’assurer qu’une nouvelle transaction est bien valide et légitime. Chaque « bloc » de la chaîne correspond à un groupe de transactions. Une fois un bloc validé, les mineurs sont récompensés par des frais de transaction ou des Bitcoins nouvellement créés.

Le processus global de minage simplifié est le suivant :

  1. Des demandes d’opérations sont réalisées par des membres du réseau pour effectuer des transactions de crypto-monnaies.
  2. Le mineur procède au traitement de ces opérations en attente qui n’ont pas encore été validées et ne sont donc pas incluses dans un bloc. Pour cela, il regroupe ces opérations, vérifie leur validité (par exemple, le correct approvisionnement des comptes, la signature de l’opération, etc.) et soumet ce nouveau bloc au réseau.
  3. C’est ensuite au réseau d’effectuer l’analyse de ce bloc et de confirmer la validité des transactions comme le bon respect du protocole informatique. L’étape dite de « hashage » permet alors de sécuriser l’ensemble des transactions passées.
  4. L’ajout du bloc à la blockchain peut ensuite avoir lieu.

Le minage est donc ce qui permet à la blockchain d’exister !

Source : Blockchain France

 

Comment le minage s’organise-t-il concrètement ?

Si les mineurs se regroupent généralement en « pool » afin d’augmenter leurs chances de miner un nouveau bloc, le minage de la blockchain peut en théorie être effectué par n’importe quel membre.

 

Si autant de personnes s’intéressent au minage des crypto-monnaies, c’est entre autres parce que les mineurs sont rémunérés pour leur contribution à la création d’un nouveau bloc. Cela prend deux formes différentes. Des frais de transactions sont avant tout payés par les utilisateurs du système. Le mineur devient également propriétaire de la nouvelle monnaie créée.

 

La validation d’un bloc demande la résolution d’une multitude de problèmes mathématiques afin de trouver la valeur du « nonce ». Ce dernier est un nombre qui doit être ajouté à la fin du bloc avant d’être hashé. Aucune solution miracle n’existant afin de déterminer la valeur exacte de ce nonce, le seul moyen pour les mineurs est de tester différentes valeurs en hashant à chaque fois le bloc jusqu’à trouver la bonne. Des milliards de hashs doivent ainsi être effectués avec un nonce différent avant de trouver le bon !

 

Ce processus demande une très forte puissance de calcul du serveur. C’est pourquoi cela est aujourd’hui essentiellement réalisable par du matériel coûteux dédié au minage et implique également une très forte consommation d’électricité. Une course vers des machines de plus en plus performantes est ainsi lancée, tout simplement car il faut être le plus rapide à valider un bloc pour être propriétaire de la nouvelle monnaie créée.

 

L’application en deux mots : les prémices d’un web sans pub autofinancé ?

Lorsqu’un internaute navigue sur le web, une grande partie de la puissance de son ordinateur est inutilisée une fois sa page chargée. Une entreprise pourrait ainsi utiliser ces capacités de calcul pour miner la blockchain et générer des profits l’aidant à monétiser son site web, sans déranger son utilisateur. Ce sont alors l’ensemble des internautes qui deviennent des « mineurs » en visitant ce site web. En contrepartie de sa collaboration, l’internaute pourrait bénéficier d’une expérience plus fluide via l’absence totale de publicité lors de sa navigation.

 

Un nombre croissant de sites utilisent désormais des plateformes spécialisées comme une source de revenus alternative à la publicité. C’est par exemple le cas de Coinhive, qui propose aux entreprises de monétiser leur site web via la crypto-monnaie Monero en se rémunérant via les processeurs, CPU (Central Processing Unit en anglais), de ses utilisateurs. Cela prend la forme d’un simple code JavaScript ajouté à la page d’un site web. Une fois le chargement du web miner effectué, l’exploitation du CPU est alors lancée. La plateforme touche par la suite une commission de 30% sur les profits réalisés par le site.

 

Les spécificités de la crypto-monnaie Monero

Créé en 2014, le Monero (XMR) appartient à la famille des Altcoins, monnaies alternatives dérivées du Bitcoin. Elle fait partie des quelques crypto-monnaies qui sont anonymes comme le DarkNote (XDN) ou le Bytecoin (BCN). Sa particularité réside essentiellement dans l’absence de traçabilité des transactions. Elle est basée sur CryptoNote, un protocole qui alimente plusieurs devises numériques décentralisées axées sur la confidentialité.

 

Des expérimentations plus ou moins transparentes

Un grand nombre de sites web ont utilisé les processeurs de leurs utilisateurs pour miner du Monero.

 

Certains ont expérimenté cette solution sans accord de leurs utilisateurs.

Pirate Bay a par exemple délibérément testé cette solution dans l’espoir de trouver une alternative à la publicité en ligne, sans le consentement des utilisateurs. Selon le site TorrentFreak, Pirate Bay pourrait récolter près de 12 000 dollars par mois si ses 315 millions d’utilisateurs annuels étaient amenés à miner du Monero. Les sites vidéo Openload, Streamango, Rapidvideo et OnlineVideoConverter lui ont également emboîté le pas, toujours à l’insu des internautes, tout comme Showtime. Mais cela peut aussi prendre la forme de plugins. SafeBrowse, une extension de Chrome, avait par exemple expérimenté cette solution.

 

D’autres sites affirment quant à eux s’être fait pirater.

C’est par exemple le cas de Politifact qui a vu son site se faire hacker en octobre dernier. C’est également ce que prétend Starbucks. Un fournisseur Wi-Fi aurait piraté le routeur et utilisé le site web de Starbucks pour miner du Monero en imposant 10 secondes de délai de connexion au Wi-Fi d’un Starbucks de Buenos Aires.

 

Malgré tout, certains sites web tentent l’expérience de manière transparente !

C’est la démarche qu’a adopté Streetpress en dévoilant son intention d’évaluer les possibilités de financement offertes par cette solution. Une sincérité accueillie positivement par le public.

Selon une étude publiée par Adguard en octobre dernier, 220 sites utilisent déjà cette solution sur une audience totale de 500 millions de personnes dans le monde, principalement aux US, en Inde, en Russie et au Brésil. A contrario, le minage de Monero à l’insu des internautes met en exergue l’importante question du cryptojacking.

 

Qu’est-ce que le cryptojacking ?

Le cryptojacking est un concept relativement récent basé sur l’exploitation du processeur d’un visiteur à son insu. En d’autres termes, le site web sur lequel navigue l’internaute exploite les capacités de son ordinateur pour miner une crypto-monnaie, sans l’en informer.

Le problème ? Cela impacte à la fois la rapidité et l’autonomie de son ordinateur. Certains internautes pourraient ainsi être amenés à penser qu’ils ont été infectés par un virus. Mais ce dont les visiteurs ne sont souvent pas informés, c’est de l’impact que le minage a sur leur facture d’électricité et, à plus grande échelle, sur l’écologie. Selon une étude menée par MalwareBytes, les pop-unders peuvent même permettre de continuer d’exploiter le CPU d’un visiteur après la fermeture du site web en question.

Cette pratique est ainsi perçue comme un malware. Si aucune réelle protection n’est pour l’instant proposée par les navigateurs contre ces pratiques, des solutions existent. No Coin ou les bloqueurs de publicités traditionnels comme Adblock Plus permettent en effet de se protéger de ce type de pratiques frauduleuses.

C’est dans ce contexte que l’appréhension de certains acteurs économiques face aux incertitudes liées au cours des crypto-monnaies et la volonté de réguler le bitcoin se font sentir. La France continue de militer pour qu’un débat soit organisé courant avril 2018 au G20 afin d’amorcer les discussions sur la régulation du bitcoin.

 

Bonnes pratiques

La blockchain offre ainsi un tout nouveau business-modèle aux entreprises souhaitant monétiser leur site web, qui semble être apprécié des internautes lorsque ces derniers en sont informés.

Plusieurs bonnes pratiques apparaissent comme clés pour exploiter cette solution dans le respect des internautes :

  • Être transparent sur les actions de minage entreprises par le site web.
  • Laisser l’internaute libre de choisir entre les publicités et le minage de crypto-monnaies.
  • Informer les visiteurs des impacts du minage sur la performance de leur ordinateur ainsi que sur leur consommation d’électricité.
  • Contrôler le minage afin de ne pas endommager les ordinateurs des particuliers.

Ces conditions respectées, les crypto-monnaies pourraient bel et bien révolutionner le financement des sites web et ainsi impacter significativement le fonctionnement actuel de la publicité en ligne.

 

Affaire à suivre attentivement…

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