[G20 STRATEGY & MANAGEMENT SUMMIT] – Comment favoriser l’innovation de rupture en entreprise?

Comme l’an dernier, DigitalCorner était présent, le 31 Mai dernier, à l’événement G20 Strategy & Management Summit en sa qualité de partenaire. Cet événement, organisé par Leaders League, responsable des publications des Décideurs Magazine notamment, propose de faire échanger les décideurs des entreprises d’aujourd’hui sur les sujets d’innovation et de croissance, le temps d’une journée. Nous vous proposons les moments représentatifs de l’événement concernant les enjeux stratégiques liés au Digital dans les sphères dirigeantes des entreprises. Suite au premier article retraçant le thème des modifications de business models induites par le digital, DigitalCorner vous propose dans ce second article une étude sur la manière de favoriser l’innovation de rupture dans une grande entreprise.

 

L’innovation « de rupture », c’est quoi au juste ?

Les innovations dites « de rupture » sont celles qui, par le passé, ont provoqué un changement de concept pour leurs clients. Cela passe par un apport de bénéfices radicalement supérieurs ou des coûts radicalement inférieurs, et provoque des nouveaux usages et des nouvelles habitudes de consommation. L’innovation la plus communément citée pour illustrer ce concept est bien évidemment l’iPhone, qui a métamorphosé la façon dont nous communiquons et dont nous consommons il y a de cela déjà 10 ans. La plupart de ces innovations sont moins visibles par le grand public, mais transforment tout autant le paysage technologique professionnel.

 

Quelques exemples industriels – le cas SNCF Réseaux

Jean-Jacques Thomas, Chief Innovation Officer chez SNCF Réseaux, présentait 2 innovations considérées comme innovations de rupture : Altamétris et Sumo.

Pour Altamétris, la SNCF partait d’un constat simple : le réseau ferroviaire français représente 50 000 kms de voie, avec une demande de transport en constante hausse sur ces voies, impliquant une nécessité de conserver un niveau d’activité maximal, c’est à dire de fermer la circulation le moins possible. Au lieu de couper la circulation pour procéder à la surveillance du réseau, l’idée était de faire survoler ces voies par des drones. Quatre ans après la création d’un « pôle drones » pour expérimenter cette initiative, SNCF Réseau est aujourd’hui le premier opérateur de drones de surveillance en France, et propose désormais via sa fillialie Altamétris son expertise sur d’autres secteurs.

Avec une nouvelle initiative en cours d’élaboration appelée Sumo, la SNCF voudraient faire en sorte que les smartphones des clients se transforment, via une application dédiée, en relais de surveillance des voies, avec la transmission des données de suivi des voies récoltées au fil du trajet via les gyroscopes natifs des smartphones. Plutôt que de dépenser des sommes astronomiques sur du matériel de pointe à faire circuler sur tous les tronçons, la masse de données des usagers pourraient aboutir au même résultat avec un investissement bien moindre.

Ces deux exemples montrent les bénéfices tangibles que provoquent le développement interne d’innovation pour une grande entreprise comme la SNCF.

 

Comment faire naître ces innovations au sein des entreprises ?

Ces quelques success stories font rêver tout chef d’entreprise, mais encore faut-il savoir les favoriser au sein de son organisation. Pour ce faire, il s’agit de mettre en place une réelle culture d’entreprise indiquait Ernest Quinglès, CEO France d’EPSON, et de développer une (ou plusieurs) des 3 sources d’innovations possibles :

  • Open Innovation (source externe et interne)
  • Design Thinking (modèle d’innovation qui reprend les méthodes de design produit)
  • Accueil et incubation de projets innovants

 

Quelles innovations privilégier ?

Une fois que ces processus d’innovations sont mis en place et lancés, l’entreprise peut être à même de produire des idées d’innovations. Parmi toutes ces idées, il ne s’agit alors pas de tout envisager mais plutôt de sélectionner les meilleurs et de savoir arrêter les projets les moins prometteurs.  Pour pouvoir choisir de développer ou non une initiative, il s’agit de bien se pencher sur la pérennité de l’innovation envisagée. Les dirigeants présents alertaient en effet sur le réel enthousiasme naturel provoqué par la présentation des innovations issues des équipes et mettaient en avant le besoin de savoir contrebalancer celui-ci pour faire un choix d’avenir cohérent. Pour cela, Ernest Quinglès mentionnait le besoin de confronter les idées d’innovation avec d’autres parties prenantes. Certaines idées peuvent en effet avoir des bénéfices insoupçonnés vu d’un angle différent, bouleversant ainsi la valeur que l’on donne à l’innovation envisagée. Chez Epson par exemple, l’idée du PaperLab, machine à recycler le papier directement sur le site de l’entreprise, avait pour intérêt principal envisagé de donner une image verte aux entreprises intégrant cette machine dans leurs locaux. Finalement, suite à des démonstrations auprès de clients, c’est plutôt l’aspect sécuritaire qui prend le dessus et séduit, la machine permettant de détruire le papier plutôt que le déchiqueter simplement comme le ferait les broyeuses actuelles. C’est tout le discours de vente qui en a été impacté, et les bénéfices éventuels pour la société Epson ont pu mieux être évalués.

Le PaperLab d’Epson

 

Au niveau du droit

Le problème qui se pose dans les innovations de rupture est aussi celui de leur protection. On l’a vu notamment avec les procès monstres entre Apple et Samsung et on risque de le voir de plus en plus, indiquait Marie-Hélène Tonnelier, avocate associée chez Latournerie Wolfrom & Associés. En effet, une fois l’idée validée, il s’agit pour l’entreprise de tout faire pour la protéger de la concurrence afin de garder un avantage concurrentiel. En règle générale, la législation n’est pas faite pour faciliter la vie des innovateurs, qui par essence ont pour objectif d’aller le plus vite possible de l’idée à la mise sur le marché.

Il est donc nécessaire de prendre en compte ces sujets dès l’élaboration, pour ne pas se retrouver au moment de la mise sur le marché avec une solution non commercialisable. Dans le cas de l’open source, il n’existe pas toujours dans l’open source des licences dites « contaminantes » : si une société utilise des logiciels open source à licence contaminante, elle ne sera pas propriétaire du fruit du développement de son innovation !

Alors faut-il faire plus de brevets ou bien travailler dans le secret ?

Auparavant, le brevet était l’outil dédié de la protection de l’innovation. Aujourd’hui, la vitesse et la multitude des acteurs impliqués dans les innovations posent la question de son intérêt et de son avantage comparatif par rapport à la culture du secret, la lourdeur et la lenteur du processus de dépôt d’un brevet ne poussant pas à son utilisation. Cet état de fait favorise les échanges inter-entreprises et les partenariats afin de trouver en amont des accords au sujet de la propriété intellectuelle de chaque innovation, d’autant plus que sur ces nouveaux types d’innovations (parfois quelques lignes de codes), la contrefaçon est difficile à détecter.

Pour toutes ces raisons (lenteur du processus de dépôt de brevet, difficulté pour les concurrents à détecter ces innovations), il est souvent plus intéressant d’opter pour la culture du secret. C’est notamment ce que semble faire Google sur l’Intelligence Artificielle qui ne consacre que 4% de ses dépôts de brevet sur l’IA quand cette partie semble représenter une part bien plus importante de ses innovations…

 

Finalement, l’innovation dite « de rupture » est à l’origine de ce qu’on appelle communément la « disruption » des modèles classiques, tant dans nos modèles de consommation à titre personnel que dans les modèles de croissance des entreprises.  Pour les grandes entreprises comme pour les plus modestes, l’innovation de rupture est un élément de différenciation vis-a-vis des concurrents. Les faire éclore relève donc d’un enjeu de développement de plus en plus crucial. Pour cela, il faut donc les favoriser en interne ou en externe, les sélectionner sans se laisser emporter par l’enthousiasme des équipes, mais aussi anticiper leur protection juridique au plus tôt, sous peine de ne jamais voir fructifier les efforts consentis pour l’éclosion de ces idées prometteuses.

 

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