Differential medicine – Partie 2 : ADN 2.0

À Paris, le 3 décembre dernier, s’est tenue la 2e édition de Differential Medicine. Ce colloque annuel rassemble les technologies les plus disruptives de la médecine digitale. DigitalCorner y était présent pour vous !

Le premier volet de notre éclairage Differential Medecine – Partie 1 : Welcome to The Family a été consacré à l’accélérateur et au concept des conférences Differential Medecine. Il est maintenant temps de présenter certains des speakers les plus en vue parmi les 30 présents. Car, durant ces conférences, The Family nous a démontré que « les Barbares frappent aux portes de la médecine ». Comment ? En donnant la parole à des entrepreneurs ambitieux, un peu fous (peut-on se dire pour certains) mais leurs projets, ils y croient ! Parmi eux, Carina Namih, fondatrice de Helix Nanotechnologies, une société de Biotech anglaise soutenue par Johnson et Johnson Innovation.

Leçon 1 : La biologie est un logiciel

L’ADN, ou acide désoxyribonucléique, est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules. Elle est le support de l’information génétique héréditaire. Des Tests ADN permettent déjà de réaliser des diagnostics précoces et d’adapter les traitements aux prédispositions héréditaires de chacun. Ce que propose Carina va bien plus loin que cela. Pour elle, c’est simple, nous pouvons aujourd’hui réparer l’ADN !

Celui-ci doit être compris comme un logiciel. Pour pouvoir travailler dessus, il faut pouvoir : le lire, l’écrire, l’interpréter et idéalement le reprogrammer pour «corriger les erreurs » ou même l’améliorer en y ajoutant des « fonctionnalités ».

Projet futuriste pensez-vous ? Peut-être de prime abord… Sur le terrain, grâce à l’explosion de la disponibilité des données de santé, les scientifiques sont en mesure de construire une « empreinte humaine » (human blueprint).

DM 2

Par ailleurs, d’un point de vue plus économique, Carina considère que l’équation de la réussite dans le monde des nouvelles technologies est simple :

data + actionable = cool apps (Uber + Google + Facebook)

La variable la plus importante est de rendre la donnée exploitable « actionnable » afin de produire des applications utiles ou « Cool », comme ont su le faire plusieurs startups d’Uber à Facebook.

Durant son intervention, elle a donc expliqué que dans l’industrie pharmaceutique, la problématique réelle est aujourd’hui de savoir valoriser puis exploiter la donnée. En effet, elle est disponible (l’empreinte humaine), l’équivalent des applications serait le traitement « cures », mais la partie “actionnable” est encore manquante.

human blueprint  +  repairs =  cures

Et c’est là qu’intervient « CRISPER ».

Leçon 2 : « The CRISPR » est une révolution

CRISPR (Clustered, Regularly Interspaced, Short Palindromic Repeat) est une technologie proposée par HelixNano pour modifier l’ADN avec précision. Dis simplement, il s’agit de découper des mutations dans les ADN et de les remplacer par de l’ADN en bonne santé. C’est donc une édition d’une partie de notre code génétique.

helixnano
coinspire.org

L’objectif de CRISPR est clair : aboutir à une nouvelle approche de lutte contre les infections virales, les tumeurs cancéreuses et les pathologies auto-immunes. L’édition de gènes du système immunitaire ou la rectification de mutations dans le génome du patient en laboratoire avant de le lui réinjecter lui permettrait de s’auto-protéger contre la maladie ou de s’auto-soigner. Un tel traitement clinique aurait des avantages certains pour les patients en leur évitant les effets secondaires des lourds traitements chimiothérapiques actuels.

Pour l’instant, seules sont ciblées : les leucémies, les maladies ophtalmiques et du foie, mais les applications possibles sont extrêmement diverses et vont du diabète au SIDA.

Une telle manipulation du génome humain engendre de nombreuses questions éthiques et économiques. De nombreux scénarios peuvent être envisagés, certains très optimistes et d’autres beaucoup moins :

  • Pourra-t-on demain éditer l’ADN des embryons ?
  • Pourra-t-on demain avoir des gênes résistant aux moustiques et éradiquer ainsi la malaria ?
  • Pourra-t-on….?

L’effet papillon n’étant pas sans conséquence en génétique (éradiquer une épidémie peut avoir des conséquences autres que celles escomptées), la vraie question n’est donc pas que pourra-ton faire mais que sont prêtes à autoriser nos sociétés ? Saurons-nous maîtriser les effets de bords de ces manipulations génétiques ?

Économiquement, l’industrie pharmaceutique devra sans nul doute revoir en profondeur son modèle économique car c’est tout le protocole de thérapie médicale qui sera modifiée.

Aujourd’hui, celui-ci propose un seul et même traitement pour tous. Une seule et même «pilule» composée de la même molécule et du même principe actif soigne tous les patients atteints d’une même pathologie. L’équation du traitement est :

1 médicament = 1 maladie

CRISPER propose de venir personnaliser la thérapie en regardant au plus profond de chacun (dans son ADN) ce qui peut être corrigé. Ce qui change radicalement l’équation :

1 traitement = 1 correction pour 1 malade.

Une telle offre est d’une part plus coûteuse à mettre en place et engendre d’autre part, la suppression pure et simple d’une source de revenus non négligeable. En effet, la correction des Bugs ADN (voir l’édition de versions améliorées de notre ADN) mènera en toute logique à la suppression des traitements à vie pour les maladies chroniques.

En attendant la démocratisation de ce procédé, plusieurs obstacles subsistent encore :

  • Une efficacité encore toute relative,
  • Des effets secondaires méconnus et parfois inattendus,
  • Une « distribution » difficile compliquant la diffusion du procédé auprès du grand public.

L’intervenante

cahina namih twitter
twitter.com

Carina Namih est diplômée de l’Université d’Oxford et a bénéficié d’une bourse Google pour participer à la « Singularité University 2013 ». Sur son CV apparaissent aussi une expérience en startup à San Francisco, chez Kleiner Perkins à Palo Alto et chez Goldman Sachs à Londres. Elle est aujourd’hui PDG et co-fondateur de HelixNano, une société biotech anglaise soutenue par Johnson et Johnson Innovation.

Consultante et conférencier, elle partage souvent son expérience de création d’entreprises innovantes en tant qu’investisseuse.

Considérée comme l’une des étoiles montantes de la biotech, elle a été élue parmi les femmes les plus affluentes de l’écosystème bio-business anglais en 2014, elle est donc consultée par des gouvernements et des investisseurs sur l’innovation et les technologies de rupture dans l’industrie des sciences de la vie.

Leçon 3 : prévenir c’est possible !

Lavinia Ionita, jeune CEO est venue partager durant les conférences de Differential Medecine, l’ambition de son entreprise Omixy.

omixy
omixy.com

Son désir ? Proposer une nouvelle approche de l’examen médical : moins routinier, plus personnalisé, plus simple et plus porté par la donnée.

Son intervention rejoint celle de la présidente de Helixnano, sur deux constats essentiels :

  • Malgré les grands progrès scientifiques réalisés ces dernières années, dans le secteur de la santé et plus particulièrement de la génétique, la plupart d’entre eux restent confinés dans des laboratoires. Des régulations restrictives combinées parfois à des coûts dissuasifs de mise sur le marché empêchent ces innovations d’atteindre plus largement les patients.
  • Les systèmes de santé continuent donc de proposer un modèle de type “1 médicament pour 1 maladie” et non “1 médicament pour 1 malade”.

Alors à défaut de démocratiser des traitements personnalisés, comme le souhaite Carina Namih , Lavinia souhaite agir en amont.

Elle prône la démocratisation d’une médecine préventive efficace. En effet, les études sont pour le moins parlantes à ce propos, 80% des maladies chroniques sont réputées solubles par la prévention alors qu’elles coûtent actuellement encore bien cher à la collectivité (par exemple : aux Etats-Unis, 75% des dépenses de santé concernent le traitement des maladies chroniques). Donc d’un point de vue business, il n’y a pas de doute il y a un vrai marché.

omixy logo

  • Le parcours du patient sur Omixy commence par un questionnaire médical en ligne.
  • Une infirmière vient ensuite prélever des échantillons de sang, salive, urine et selles et les envoie à un laboratoire.
  • Omixy opère une série de tests, incluant les moins courantes aujourd’hui : séquençage génétique global, analyse métabolomique et microbiomique, ainsi qu’une batterie de tests plus communs (cholestérol, hormones, etc).
  • Un traitement et un suivi médical en ligne sont ensuite proposés tout au long de l’année.

Omixy est disponible en version beta depuis juin et se lancera en Grande Bretagne mi-2016. Sera-t-il l’avenir de la Médecine préventive ? le temps nous le diras.

L’intervenante

lavinaionita
drionita.com

Diplômée de Faculté de Médecine de Craiova, Roumanie, et de l’American Academy of Anti-Aging Medicine, le Docteur Ionita s’est spécialisé en addictologie à l’Université Paris V et détient un Master en Psychologie Clinique et Psychopathologie de l’Université Paris VIII. Elle possède aussi des certifications en Génomique personnalisée et Génomique, Ingénierie génétique et Biotechnologie de l’Université de Stanford. Lavinia a passé plusieurs années à traiter des patients dans son cabinet, et a aussi pratiqué l’addictologie à l’Hôpital Américain à Paris.

 

Dans le prochain épisode de Differential Medicine vous découvrirez comment les techniques d’endomicroscopie et d’impression 3d pourraient révolutionner les actes chirurgicaux. Mais aussi comment les décisions prises par les autorités de santé peuvent favoriser ou freiner drastiquement le développement de ces initiatives… Continuez à nous suivre !

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