L’Echappée Volée 2015 : Bienvenue dans la Renaissance Digitale [3/3]

Ce week-end sur le magnifique domaine de Chambord se tenait la seconde édition de l’Échappée Volée. Cette année l’événement a abordé les défis de la Renaissance Digitale en proposant d’un côté une série de courtes conférences très proches de TEDtalk (qui fait d’ailleurs partie des sponsors), et de l’autre, une sélection de start-ups qui présentent leurs projets innovants dans un vaste salon à l’intérieur même du château.

Suite et fin de notre série d’articles sur l’Echappée Volée 2015. Retrouvez la première et la deuxième partie sur notre blog.

Olivier Jeannel – RogerVoice, l’application qui remet les malentendants au bout du fil

Olivier Jeannel est CEO et fondateur de la start-up RogerVoice

logo-rogervoice-300x12670 millions de personnes dans le monde souffrent de surdité profonde, dont 500 000 en France. Ces personnes sont tous les jours confrontées à des difficultés que les entendants n’imaginent même pas : appeler un taxi, prendre un rendez-vous chez un médecin, rechercher un emploi, etc. Sans parler des mille et un enfers administratifs qui n’en sont que plus infernaux pour eux : (hôpitaux, banques, impôts…). Aujourd’hui, la solution la plus commune pour lutter contre l’isolement de ces personnes, est l’assistance humaine, très coûteuse et rarement disponible 24 heures sur 24.

RogerVoice entend rendre leur autonomie aux malentendants grâce à une application tirant avantage des dernières avancées technologiques en termes de reconnaissance et de retranscription vocale. Une fois installée sur un smartphone, elle se lance automatiquement lors d’un appel téléphonique, et la conversation est automatiquement et instantanément retranscrite directement à l’écran.

L’application est actuellement dans ses dernières phases de test, mais a déjà été plébiscitée à de nombreux concours, notamment celui du Grand Prix de l’Innovation de la Ville de Paris.

RogerVoice ne compte pas s’arrêter là : la start-up travaille également au développement d’une application qui permettra de retranscrire vocalement un texte écrit sur le smartphone, pour permettre cette fois-ci aux muets de pouvoir passer des appels téléphoniques.

Sandra Rey – Miser sur les biotechnologies pour révolutionner l’éclairage urbain

Sandra Rey est co-fondatrice de la start-up Glowee

L’éclairage de nos villes représente 12% de la consommation d’électricité en France, et en moyenne 27% du budget des mairies, le tout au final à la charge du contribuable. Le parc d’éclairage français est très vieillissant, nécessitant chaque année un peu plus de maintenance et de réinvestissement. La pollution lumineuse est elle-même source de nuisances écologiques : troubles du cycle de vie des végétaux, limitation de la reproduction des insectes, voire même dérèglement des cycles hormonaux humains.

glowee_biolumiscence_bacteria-764x375Face à ces constats économiques et écologiques, les fondateurs de Glowee se sont inspirés des capacités bioluminescentes de certains animaux et micro-organismes, pour concevoir une technologie biomimétique qui pourrait être une alternative à l’éclairage urbain tel qu’on le connait aujourd’hui. Cette innovation prend la forme d’une coque en résine organique, à la taille personnalisable, à l’intérieure de laquelle se trouve une solution biologique luminescente, le tout sur un support adhésif qui permet de le fixer sur différentes surfaces. Transparent la journée, le dispositif se met à briller la nuit.

Mais la route est longue avant de venir remplacer nos vieilles lampes à sodium. Pour l’instant, la jeune équipe de Glowee est sur le point de commercialiser un premier produit qui possédera une autonomie de 24 heures, et sera de fait plutôt destiné à l’événementiel. Courant 2016, c’est à l’éclairage de vitrines que s’attaquera la start-up, avec des produits qui dureront cette fois-ci plusieurs mois.

Quoi qu’il en soit, le projet Glowee a déjà été plébiscité par les internautes, remportant le Prix du public 2013 My Major Company, mais aussi par les spécialistes et investisseurs lors du Prix start-up FNAC ou du Prix Elevator World Tour Paris 2015.

Qui sait, d’ici quelques mois, la lueur bleutée des technologies Glowee remplacera peut-être la brume orange de nos rues la nuit.

Julie De Pimodan – Redonner le goût de la démocratie aux français

Julie De Pimodan est fondatrice de la start-up Fluicity

Comme l’ont montré les événements en Tunisie ou en Egypte ces dernières années, les peuples soumis à la pression des régimes autoritaires sont encore prêts à se soulever, voire à mourir, pour défendre ou obtenir la démocratie. A contrario, dans les vieilles démocraties européennes, on note de plus en plus d’abstentionnisme aux élections, signe d’un désintéressement latent des peuples envers une démocratie qu’ils n’estiment plus suffisamment efficace. En France, les chiffres sont sans équivoque : on sait que près de 40% des français se sont abstenus lors des dernières élections municipales, que 87% pensent que les responsables politiques ne se soucient pas de l’avis des citoyens, et que 71% estiment tout simplement que la démocratie ne fonctionne plus correctement dans notre pays (source Science Po/CNRS).

Forte de nombreuses expériences en tant que journaliste et d’entrepreneur au Moyen-Orient, Julie De Pimodan s’est donnée pour mission une fois revenue en France, de réparer ce lien distendu entre les français et la démocratie. Et c’est au niveau local que sa start-up Flucity a décidé de s’attaquer en premier. Réengager le débat citoyen, informer les habitants des projets en temps réel de leurs collectivités locales, permettre à ces derniers de lancer des sondages rapides parmi leurs administrés : voici quelques-unes des ambitieuses promesses de l’application Fluicity.

Cette dernière vise à bouleverser les usages à la fois des citoyens mais aussi des élus :

  • Pour les citoyens, l’application leur permet :
    • De recevoir des actualités ultra-locales et personnalisées, partagées entre les concitoyens ou par les élus
    • Interagir et lancer des débats de proximité
    • Proposer des idées, les faire évaluer par des sondages
    • Signaler des problèmes à la communauté et aux élus
  • De leur côté, les élus en tirent les bénéfices:
    • Ils peuvent communiquer sur les motivations qui expliquent les décisions, les projets de la communauté, ou tout simplement la vie de la collectivité
    • Consolider leur prise de décision avec des données fiables, partagées par les citoyens par leurs propositions, sondages ou idées
    • Intervenir rapidement pour régler les problèmes signalés par les administrés
    • Obtenir au final une meilleure adhésion et une meilleure confiance des citoyens

Dans un récent article de presse, Julie De Pimodan prend l’exemple d’une mairie qui décide de fermer une piscine municipale très coûteuse deux jours par semaine pour faire des économies. Via l’application, les élus peuvent soumettre un sondage à une population bien ciblée, correspondant par exemple aux abonnés à la piscine, et leur proposer de choisir ces deux jours. Fluicity permettrait également à la mairie d’expliquer la motivation de cette fermeture, et les économies attendues. De cette façon, les citoyens sont informés et consultés, et les élus peuvent agir en tenant compte de l’avis de leurs administrés : on revient au cœur de la démocratie locale.

Le business model de Fluicity consiste à proposer la solution aux collectivités avec un coût fixe pour la plateforme, puis un abonnement mensuel. En plus de la plateforme, les collectivités pourront souscrire à des services additionnels, comme des outils d’analyse de données, ou des conseils en communication. Les administrés de ces communes pourront ensuite utiliser l’application gratuitement.

Flora Vincent et Aude Bernheim  – Pourquoi 90% de la recherche scientifique actuelle est biaisée

Flora Vincent et Aude Bernheim sont doctorantes en biologie à l’ENS et à l’Institut Pasteur, et sont fondatrices de l’association Wax Science qui vise à changer les mentalités sur la Science et y améliorer la mixité

D’après ces deux intervenantes, une grande partie des publications scientifiques de notre époque repose en réalité sur des conclusions biaisées ou incomplètes, et ce à cause de trois variables principales:

  • Le choix des collaborateurs : les scientifiques ont des convictions propres, et en travaillant sur un sujet, ils vont naturellement tendre à prouver leur conviction intime
  • Le choix des échelles : une population subissant des essais cliniques ne sera jamais l’exacte représentation d’une société entière. Les échantillonnages ne peuvent rarement prendre en compte toutes les différences qui caractérisent une population (diversité ethnique, conditions sociales, prédisposition à certaines maladies, …).
  • Le choix du sexe des sujets de test : la plupart des tests sur les animaux sont réalisés sur des souris mâles, étant plus faciles à manipuler que les femelles (cycles hormonaux, etc). Il en résulte des résultats qui ne sont vérifiés au final que pour les mâles. Aux Etats-Unis, 4 médicaments retirés du marché sur 5, le sont car ils ont des effets secondaires sur les femmes qui n’ont pas été correctement détectés et qualifiés lors des phases de recherche.

Le dernier point est le plus alarmant dans la recherche : 60% des études ne mentionnent pas le sexe des objets d’étude. L’élément du sexe des sujets existe évidemment dans les deux sens : l’ostéoporose a longtemps été considérée comme une maladie de femme, et les techniques de diagnostic et la recherche pharmaceutique se sont construites en conséquence. Aujourd’hui, on sait que la maladie peut toucher également les hommes, mais les méthodes et médicaments n’ont, pendant longtemps, pas été adaptés à eux, du fait de ce biais « sexuel ».

http://www.nature.com/news/women-in-science-women-s-work-1.12547Prendre en compte les paramètres de genre pourrait grandement profiter à la science mais aussi à la société: en Suède, des études sur les transports publics ont pris en compte le sexe de chaque personne faisant partie de l’échantillon observé. Les résultats de ces études ont permis d’initier certaines améliorations dans les itinéraires et horaires des bus, permettant de décongestionner le trafic de façon beaucoup plus efficace que les précédents projets similaires.

La mixité dans le monde de la Science n’est pas encore un acquis pour tout le monde, comme le rappelle la récente  déclaration hasardeuse de Tim Hunt. Au-delà de l’évidente question de l’égalité des sexes, cette mixité est aussi et surtout cruciale pour réduire ce biais qui nuit fortement à la recherche. Seuls 30% des chercheurs et 8% des hauts responsables universitaires sont des femmes. Ça ne date évidemment pas d’hier : seules 0,5% des universités portent des noms de femmes scientifiques.

Apportant leur pierre à l’édifice, leur start-up Wax Science a mis en place l’application ItCounts, outil innovant permettant de collecter des données sur les ratios hommes-femmes dans un lieu donné, et faire ainsi bouger la science grâce à la participation citoyenne.


Ainsi s’achève notre série d’articles dédiés à l’Échappée Volée 2015. Si le temps et le format de nos articles ne nous permettent pas d’aborder toutes les autres brillantes interventions auxquelles nous avons assistées durant cette journée à Chambord, en voici néanmoins un aperçu:

  • Les autres Projets Lauréats 2015 à savoir :
    • What if community, le site de financement participatif permettant de financer les études des jeunes à la façon d’un My Major Company
    • Leka et son robot Moti, le robot sphérique conçu pour aider au développement et à l’épanouissement des enfants autistes
    • My Human Kit, qui veut faciliter la construction de prothèses en DIY
  • Et bien sûr les autres intervenants :
    • Le violoncelliste Jérôme Pernoo et son rêve de diffuser et partager la musique autrement dans ce monde numérique
    • Le journaliste Guy Birenbaum qui nous met en garde contre l’enfermement digital et les risques de l’hyperconnectivité
    • Le philosophe et psychanalyste Michel Bensayag, spécialiste des problématiques d’éthiques et d’ontologie liées au transhumanisme, qui a résumé et conclu avec brio et humour cette après-midi de conférences

Un grand merci à l’organisation de l’Echappée Volée 2015 pour leur travail, et à l’année prochaine !

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