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C2C : Où s’arrêtera Airbnb ?

Surfant sur la vague de la sharing economy, AirBnb a su se positionner avec succès parmi les acteurs du secteur  hôtelier et ne compte pas s’arrêter là. En profitant de l’ensemble des données laissées par les utilisateurs de la plateforme et en allant au bout de sa logique C2C, la start-up californienne devient un acteur incontournable du marché de l’innovation numérique et s’attaque désormais aux secteurs de la conciergerie et de la restauration.

La donnée considérée comme « la voix des clients »…

Tous les sites d’e-Commerce génèrent des flux de données mais peu les exploitent. En effet, le e-Commerce n’a pas été considéré comme un levier stratégique important à son apparition dans bon nombre d’entreprises (de distribution notamment). De fait, plusieurs bases de données peuvent exister, des solutions SI non compatibles peuvent cohabiter et il est très difficile d’unifier les informations afin de procéder à une analyse concrète et d’utiliser ces informations à des fins business. Chez Airbnb, dont le seul canal de distribution est le web, Riley Newman (data scientist en chef) précise que le Big Data occupe une place importante au sein de l’algorithme de recherche du site pour tirer partie des 600 000 annonces, 34 000 villes, 190 pays, plusieurs millions d’utilisateurs à travers la monde… Mais à quelles fins ? Deux exemples peuvent illustrer cette utilisation intelligente des données.

L’étude des données permet d’optimiser les taux de conversion : le cas asiatique

D’abord chez Airbnb, la donnée est considérée comme « la voix des clients » par les équipes d’analystes. Riley Newman ajoute que la donnée est en réalité « l’enregistrement d’une action effectuée par un membre de la communauté à propos de ce qu’il faut (ou ne faut pas) faire avec le produit ». Ainsi, les analystes peuvent traduire ces décisions en véritables « cas d’utilisation » généralisables et ainsi compréhensibles par tous.

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Centres d’intérêts proches du logement choisi (Neighborhood)

Par exemple l’analyse des données propres au marché asiatique a mis en exergue un comportement d’achat étrange : les clients avaient une forte tendance à effectuer une recherche assez précise pour ensuite délaisser le site sans effectuer de réservation. Ce constat nécessitant une analyse comportementale, les experts ont rapidement remarqué que le lien « Neighborhood » renvoyait les utilisateurs vers des galeries d’images dans lesquelles ceux-ci se perdaient littéralement (pour ne jamais revenir sur le site et conclure la réservation). Une fois le diagnostic effectué, le design du site a été modifié pour intégrer ces éléments directement sur les pages de réservation. Le résultat est sans appel : le taux de conversion a ensuite augmenté de près de 10% auprès des internautes asiatiques (analyse sur des pays tels que la Chine, la Corée du Sud, le Japon et Singapour). Plutôt qu’agir Airbnb souhaiterait maintenant anticiper…

En route vers un modèle prédictif

Le vice-président de la start-up, Mike Curtis, a déclaré récemment à San Francisco qu’il comptait utiliser les données pour prédire les souhaits du client avant même que celui-ci n’ait renseigné quoi que ce soit. Néanmoins, il s’agit d’un véritable challenge en termes de gestion des données. Par exemple, il sera certainement (très) compliqué de satisfaire de façon proactive la demande d’un client souhaitant réserver en dernière minute quelques nuits dans un loft de 3 chambres à Manhattan avec vue sur le Brooklyn Bridge et dont l’hôte maîtrise le français. De même, il faudra appréhender de façon spécifique les voyageurs « longue durée » (i.e. cherchant une location disponible plusieurs semaines) et les voyageurs ne souhaitant réserver que quelques nuits, car les proposition de biens seront forcément différentes, les voyageurs ne cherchant pas le même confort, la même proximité géographique avec un lieu spécifique, etc.

L’objectif pour Airbnb est donc bien de dresser un « portrait type » de chaque client, un portrait qui lui sera spécifique et qui se précisera au gré des réservations de celui-ci. Grâce aux données collectées et à l’intelligence du système, la probabilité de satisfaire la demande d’un client avant même qu’il n’ait renseigné quoi que ce soit se fera de plus en plus forte au fil de ses réservations. C’est ici que l’on pourra parler de relation client, car le site va utiliser par exemple les commentaires (positifs ou négatifs) que les utilisateurs ont postés sur le site. Avec ces éléments, il deviendra plus simple de mieux orienter les recherches et anticiper leurs besoins (on se rapproche de ce que peut proposer Google Now, qui effectue déjà des recommandations sans que l’utilisateur ne fasse de recherche).

… pour démultiplier l’offre vers des services de restauration et de conciergerie

Vers une généralisation de l’offre de conciergerie?

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Local Companion – Premiers screenshots

Venons-en désormais aux services. En arrivant dans un pays ou une ville inconnue, quelles sont les questions que se posent les voyageurs ? Y-a-t’il un concert prochainement ? Un événement sportif majeur ? Quels sont les horaires du métro ? Comment peut-on se rendre à…? Où me conseillez-vous de manger? Que me conseillez-vous de visiter?… À l’hôtel, le concierge est en mesure de nous renseigner. Mais lorsque les voyageurs sont livrés à eux-mêmes ils doivent jongler entre les guides, les sites internet comme TripAdvisor, les applications… Comment Airbnb pourrait tirer partie de sa base pour diversifier son offre sur ce crédo ? En mettant en place un service de conciergerie virtuelle alimenté directement par les habitants ! Le principe du C2C fonctionne. Pourquoi ne pas l’’exploiter jusqu’au bout?

Ce service est actuellement en test à San Franscico. Il est totalement gratuit, se nomme « local companion » et est accessible via l’application mobile Airbnb. Ainsi, les touristes peuvent facilement communiquer avec les habitants locaux et échanger sur divers sujets (taxi, baby-sitting ou même obtention de places dans un restaurant ou un concert complet). La technologie utilisée est basée sur la géolocalisation du smartphone mais nécessite que les habitants locaux et touristes soient équipés de l’application mobile (et d’un accès à internet). Un service de type messagerie instantanée est mis en place. Il existe même une plateforme de paiement. En cas de succès de la phase de test, une généralisation pourra être envisagée à l’international. Une vidéo réalisée par l’un des designers de la société Tradecraft présente ci-dessous brièvement et en images les possibilités qu’offrira ce nouveau service.

Restauration : l’initiative de trop?

Une IHM tres proche de l'interface Airbnb
Cookening Une IHM tres proche de l’interface Airbnb

Airbnb souhaite explorer le créneau de la restauration. L’idée est ici de proposer un service complet de bout en bout sans forcément avoir le monopole de cette pratique. En effet, la restauration « à domicile » est un créneau sur lequel plusieurs acteurs sont déjà bien installés, et notamment la start-up française Cookening (le « Airbnb de la table d’hôte » selon de nombreux internautes). A noter qu’une sélection « à l’entrée » est mise en place : le cuisiner hôte doit faire « vérifier et valider sa table« , par une proposition de menus, de prix et de photos. Comme pour Airbnb – et plus globalement les sites de prestations de particulier à particulier, chaque prestation est appréciée et évaluée par les hôtes. Les gestionnaires peuvent donc facilement identifier les éventuels cas de non conformité à la politique qualité. La Finlande est également positionnée sur ce créneau avec le concept du Restaurant Day.

Copyright Tuomas Sarparanta Restaurant DayL’idée est simple : un événement d’une journée est organisé quatre fois par an environ. Au cours de cette journée, n’importe qui peut ouvrir son restaurant éphémère, que ce soit à son domicile, à son bureau, dans un parc ou dans un coin de rue. Chaque restaurateur d’un jour est responsable d’un point de vue légal par rapport aux éventuelles obligations juridiques du pays dans lequel il se trouve, et c’est également lui qui fixe menus et prix. Le site, relayé via les réseaux sociaux, permet d’assurer la communication des différents restaurants avant le jour J. Le premier Restaurant Day, organisé en Finlande en 2011, avait permis de proposer environ 40 restaurants dans 13 communes différentes. Le 18 Mai 2013, on comptait pas moins de 1700 restaurants éphémères dans une trentaine de pays différents.

Quel intérêt donc pour Airbnb, sachant que d’autres exemples existent en Pologne ou au Japon, de se lancer sur ce créneau ? La start-up californienne utilise là encore San Francisco comme un véritable laboratoire à innovations pour tester un programme de dîners à domicile sur base de proposition des utilisateurs Airbnb (menu et prix). En termes de modèle économique, les revenus de l’entreprise américaine seraient assurés par le prélèvement d’une commission sur chaque vente.

Néanmoins, la crédibilité d’un tel modèle pose question : la concurrence aux restaurants est-elle déloyale ? A priori non compte tenu des exemples (à succès) de Cookening et du Restaurant Day. A n’en pas douter, Airbnb saura se différencier des acteurs actuellement en place sur ce marché et est en passe d’offrir à un particulier potentiellement non qualifié et non équipé (au sens professionnel du terme) la possibilité de devenir gérant d’un hôtel restaurant. Ceci ouvre la porte à de potentiels abus. Tout l’enjeu pour Airbnb sera donc de s’assurer de la qualité de service de ses membres, de maintenir une distinction forte du service par rapport à ses concurrents classiques (hôtels, tables d’hôtes, restaurants, etc.) et de poursuivre sa démarche d’innovation, tant d’un point de vue des us et coutumes que des solutions technologiques associées.

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