Netflix en France, entre freins structurels et multiples concurrences ?

Créée en  2009, Hadopi et ses quelques 12M€ de budget annuel n’ont pas réussi à endiguer le piratage des œuvres audiovisuelles. La seule condamnation jamais prononcée  a été annulée en septembre dernier et le rapport Lescure sur l’adaptation des politiques culturelles préconise de supprimer l’autorité.

Sans rentrer dans le débat « répression » versus « licence globale » il est intéressant de se pencher sur les solutions légales alternatives et plus particulièrement la SVOD (vidéo à la demande illimitée par abonnement) que l’on pourrait apparenter au Deezer de la vidéo. Parmi les offres de SVOD Netflix connaît un succès insolent en dehors de nos frontières.

Netflix, un service de SVOD au succès fulgurant

Netflix c’est LA référence de la SVOD. Pour seulement 8$ par mois (environ 6€) elle offre un accès en illimité à un catalogue de 100 000 titres. Avec ses 37 millions d’abonnés la société pèse 3.61 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012.

Inutile toutefois de vous précipiter sur votre navigateur après avoir lu ces quelques lignes. Vous obtiendrez ce message laconique en essayant de vous connecter au service :

 erreur

 

Cette situation est-elle un pousse au crime dans un contexte de crise alors que le téléchargement illégal (ou le streaming) n’a  jamais été aussi facile et que les autorités répressives échouent dans leur mission?

Quel a été l’impact de Netflix ?

 Netflix est maintenant implanté depuis de longues années dans de nombreux pays. Il est donc légitime de se poser la question de son impact sur les modes de consommation de vidéos. Bien que défenseurs et opposants continuent de s’affronter dans l’interprétation des chiffres, le constat est le suivant :

  •  En 2011, le trafic de données Netflix était plus important que le trafic BitTorrent en Amérique du Nord. Il représentait alors près de 30% du trafic Internet américain aux heures de pointe.
  • bittorrentEn Norvège aucun mécanisme de riposte graduée n’a été mis en place. Or une étude Ipsos réalisée dans ce pays montre une baisse de 50% du nombre de films piratés et de 60% concernant les séries entre 2008 et 2012. Netflix est cité comme le principal facteur expliquant ces chiffres.

À quand Netflix en France ?

Pourquoi ce service, qui a fait ses preuves au-delà de nos frontières n’est-il toujours pas disponible en France ? La question est complexe tant le marché Français possède des spécificités bien locales.

La chronologie des médias est un frein

La chronologie des médias définit l’ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d’une œuvre cinématographique peuvent intervenir.

Concrètement, en France, un film ne peut pas être proposé dans un catalogue de SVOD moins de 36 mois après sa sortie en salle. En comparaison sur Netflix les films sont en moyenne disponibles 10 mois après leur sortie.

Aux Etats-Unis la chronologie n’est pas réglementée. Les accords sont négociés directement entre les diffuseurs et les studios. Netflix a ainsi dépensé  plus de 2 milliards de dollars dans ces achats de droits pour réduire cette fenêtre et être compétitif vis-à-vis des cablo-opérateurs (Comcast, Time Warner…) surpuissants aux US.

En France le rapport Lescure propose de réduire le temps de mise à disposition d’un film en SVOD à 18 mois… pas sûr que cela soit suffisant pour stimuler un marché français bien atone.

Cependant, les séries, dont les français sont friands, ne sont pas soumises à cette réglementation. Une « faille » dans laquelle Netflix pourrait s’engouffrer d’autant qu’il se positionne aujourd’hui en tant que producteur à succès

Un marché Français du multiplay détenu par les opérateurs

Netflix est un service de streaming disponible via le Web, smartphones ou tablettes. Sa stratégie est dorénavant d’être présent directement sur les télévisions. À ce titre Netflix vient de passer des accords avec Virgin en UK et est en cours de négociation avec Comcast le premier cablo-opérateur aux US.

Orange-cinéma-et-sériesCe nouveau rapport de force est rendu possible par le succès de Netflix sur ses terres. Hors en France la SVOD ne décolle pas. Cela s’explique d’une part à cause de la chronologie des médias, d’autre part parce que le principal vecteur du marché de la VOD est la télévision (71% des locations passent par le téléviseur selon GFK). Or l’accès à la télévision est, en France, largement dominé par les fournisseurs d’accès à Internet qui privilégient leurs propres services. On imagine difficilement Orange, ambitieux via son service OCS, négocier l’intégration de Netflix dans sa livebox.

Seul un acteur comme Free, plus opportuniste et qui possède 23% de part de marché sur le haut débit pourrait une nouvelle fois jouer le rôle de perturbateur.

Aussi, une refonte radicale de la régulation et le positionnement opportuniste d’un acteur de l’Internet pourrait être à l’origine d’un chamboulement du marché de la SVOD en France. Et de la baisse du téléchargement illégal ?

2 thoughts on “Netflix en France, entre freins structurels et multiples concurrences ?

  1. Une intégration de NetFlix dans une future refonte de la Freebox révolution ne m’étonnerait pas et serait grandement saluée par la grande communauté des Freenautes.
    Cela serait également une occasion supplémentaire de briller dans la presse hi-tech, de conquérir le cœur des geeks, de recruter de nombreux nouveaux clients et surtout, de taper un gros coup dans la fourmilière et faire avancer la scène numérique française qui, les mains dans les poches, fait du surplace là où nos voisins commencent à prendre de la vitesse.
    Mon petit doigt me dit que Xavier Niel en rêve la nuit 🙂

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