Wifi dans l’avion : impossible retour sur investissement ?

Qui n’a jamais trouvé le temps long dans un avion ? Coincé entre votre voisin de droite qui s’est approprié votre accoudoir, et celui de gauche qui ronfle paisiblement, impossible de dormir et vous n’attendez qu’une chose : atterrir. Oui mais voilà, il reste 3 heures de vol et vous vous demandez comment vous occuper.

De plus en plus de compagnies aériennes cherchent à venir au secours des passagers malheureux en leur proposant un accès Wifi à bord.

Des investissements significatifs…

AirTran (compagnie aérienne américaine) et Virgin America sont les premières compagnies à avoir déployé le Wifi au sein de leurs avions. D’autres ont suivi telles que Lufthansa, Turkish Airlines ou encore Emirates. Aujourd’hui, près d’une dizaine de compagnies en sont équipées. Air France – KLM est encore novice : après un premier échec en 2008, la société a lancé fin mai ses premiers vols équipés d’un service payant de Wi-Fi à bord.

Les compagnies ont recours à deux méthodes pour déployer le Wifi au sein de leurs avions terrestre et satellite :

  • Au sol : un réseau d’antennes mobiles placées à intervalles réguliers. A la façon des antennes de téléphonie mobile, elles alimentent en données les avions qui passent dans leur zone de couverture. Dans l’avion, un équipement dédié se charge d’assurer le passage d’une antenne à l’autre, et de permettre le transit des données.
  • Par satellite : un réseau de satellites de télécommunications. Cette solution ne souffre pas des contraintes géographiques (et permet donc de se connecter au-dessus des océans), mais implique des frais de fonctionnement importants. Dans ce cas, un réseau local ou Wifi est déployé au sein de l’avion, les données sont ensuite dirigées vers l’espace, d’où elles sont réacheminées à terre.

Le coût d’équipement d’un avion d’un système Wifi varie du simple au quintuple, selon le type de réseau utilisé (terrestre ou satellite).  Il est compris entre 100 000$ (réseau terrestre d’antennes mobiles) et 500 000$ (réseau de satellites) ; il faut également ajouter le coût d’immobilisation de l’appareil (durée pendant laquelle l’avion ne vole pas et ne génère pas de chiffre d’affaires). Pour assurer la rentabilité des systèmes Wifi, il est estimé que le taux d’utilisation doit être au minimum de 20%. À ce jour ce taux n’atteint que difficilement les 5% en moyenne.

… mais pas suffisamment rentabilisés du fait d’une demande insuffisante

wifi avionLes activités et distractions sont généralement limitées au sein d’un avion ; tout porterait donc à croire que les passagers seraient contents de pouvoir profiter d’un service Wifi à bord. Les chiffres tendent à prouver le contraire : aux États-Unis, pays pourtant pionnier en matière de déploiement du Wifi dans les avions, 85% de la flotte est équipée du Wifi mais seulement 8% des passagers l’utilisent.

Qantas (principale compagnie australienne) a même décidé en février dernier de suspendre le déploiement du Wifi dans ses avions suite à une demande jugée insuffisante durant la période de test.

3 facteurs expliquent la faible demande:

  • Une qualité de service pas toujours au rendez-vous. Selon une enquête réalisée par FlightView (fournisseur de données en temps réel sur le trafic aérien), 69% des usagers des compagnies aériennes ne sont pas satisfaits des services WiFi proposés lors des vols (lenteur, perte de connexion, etc). Cette qualité insuffisante est en partie due à l’architecture même de la cabine, le signal pouvant être perturbé par n’importe quel élément mobile (une personne qui se lève de son siège, les hôtesses de l’air qui passent dans les rangées, etc.). Les ingénieurs de Boeing auraient développé une nouvelle technologie  de calibration du signal contribuant à améliorer la qualité du réseau au sein de la cabine.
  • Des tarifs jugés inadaptés. Les tarifs proposés par les différentes compagnies aériennes sont très variables et dépendent du type de réseau utilisé (terrestre ou satellite), de l’équipement connecté (téléphone ou ordinateur), et bien sûr de la durée de connexion. Par exemple, sur un Paris-New-York avec Air France – KLM ou Lufthansa, l’heure de connexion est facturée 11 € (et 20 € pour la durée totale du vol). Les compagnies américaines sont nettement moins onéreuses (environ 4€ pour 1h30 de connexion, et 10€ pour une durée illimitée). Ces tarifs ne paraissent pas excessifs compte tenu des investissements réalisés par les compagnies aériennes (même si une connexion durant un vol entier sur Air France – KLM revient à peu près au même prix qu’un mois de connexion à domicile). Selon une étude menée par Holidays Extra (agence de voyage britannique), 84% des voyageurs (hors voyageurs d’affaires) refuseraient de payer pour un service considéré par beaucoup comme devant être gratuit, même à 10 000 mètres d’altitude.
  • Les voyageurs d’affaires et les vacanciers n’ont pas un réel désir de se connecter au Wifi en avion. Selon le magazine Business Traveller, l’avion est l’un des rares endroits où les voyageurs d’affaires ne sont pas submergés d’emails, et ils souhaiteraient préserver ces petits moments de tranquillité. Le constat est le même pour les vacanciers, qui souhaitent « se déconnecter » du quotidien et profiter pleinement de leurs congés. De plus, l’accès au Wifi dans les avions est généralement très peu sécurisé, toutes les informations envoyées en Wi-Fi (adresse web, identifiant, mot de passe, coordonnées bancaires, etc.) pouvant être captées par n’importe quel internaute connecté au même réseau Wi-Fi. Mieux vaut donc ne pas se connecter à des espaces web avec des identifiants personnels (webmail, banque en ligne, achat en ligne, etc.). Enfin, dans l’espace confiné d’un avion, le risque est de se faire capturer ses données personnelles ou de se faire usurper son identité par l’un de ses voisins

À la vue du niveau d’utilisation encore faible, et dans un contexte économique difficile pour les compagnies aériennes, celles-ci pourraient être tentées d’abandonner leurs programmes d’équipement des avions. Et pourtant, la plupart continuent d’équiper leurs appareils, même Air France-KLM qui observe pourtant les résultats décevants. Malgré le niveau d’investissement nécessaire, les compagnies aériennes doivent en effet se différencier, et innover. Alors que l’accès à internet devient une commodité, le prix de cet effort d’innovation leur permet d’offrir aux clients un service premium et de se démarquer de la concurrence.

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