Le m-banking initié par les pays en voie de développement

A l’heure où le NFC fait ses premiers pas en Europe notamment dans le secteur du m-paiement, une alternative initiée par l’Afrique connaît un franc succès…

La situation des pays en voie de développement favorable à l’essor du m-banking

Un volume important d’aides financières est envoyé chaque année aux pays en voie de développement. Il est  intéressant de noter à ce sujet qu’une partie non négligeable de l’aide perçue par ces pays provient des fonds envoyés par ses migrants à destination de leurs proches restés sur place. Ainsi, selon la FIDA (Fédération Internationale de Développement Agricole) ces fonds envoyés représenteraient en valeur jusqu’à 25% du PIB de pays tels que le Cap-Vert, le Libéria ou encore la Somalie.

Étudions de plus près ce marché du transfert de fonds.

Selon une récente étude de la banque mondiale, le marché du transfert d’argent dans le monde est estimé aujourd’hui à 346 milliards de dollars par an ; à horizon 5 ans le marché sera potentiellement 4 fois plus important soit 1 500 milliards de dollars !

Ces transferts de fonds, qu’ils soient nationaux ou internationaux, sont véhiculés par 2 types de canaux bien distincts : les canaux dits officiels, sociétés de transfert d’argent (STA), institutions de micro finance (IMF) et banques. Mais il est également possible d’envoyer de l’argent via des canaux dits informels, comme par exemple le fait de profiter du voyage d’une personne pour lui confier de l’argent qu’il remettra aux destinataires.

C’est en cela que la situation en Afrique Sub-saharienne, berceau du transfert de fond mobile est singulière : les canaux informels y sont en effet beaucoup plus empruntés que les canaux officiels. Deux raisons sont avancées pour justifier cette situation :

Le monopole des STA, dont les leaders Western Union et Moneygram contrôlent entièrement le marché, entraînant une non-concurrence et donc des services onéreux (taux de commission moyen ~10%) !
Le manque d’infrastructures bancaires et donc un très faible taux de bancarisation (~13% selon Reuters)

Pour pallier à cette problématique c’est-à-dire fluidifier ces transferts et ainsi permettre à ces pays de recevoir cette aide précieuse de la part de leurs proches, les opérateurs kenyan Safaricom et anglais Vodafone se sont unis autour d’une idée : utiliser le mobile comme un levier pour rattraper le retard sur la bancarisation. En effet, ils sont partis du constat suivant : aujourd’hui dans le monde on recense trois fois plus de souscripteurs de téléphone mobile, 5 milliards*, que de comptes bancaires ouverts, 1,6 milliards**. La situation africaine est assez proche puisque l’on enregistre en moyenne un taux de pénétration mobile de 25%*** pour un taux de bancarisation de 13%.

Des acteurs qui tirent déjà profit de ce marché prometteur

 

 

 

 

C’est ainsi qu’en 2007, Safaricom et Vodafone ont lancé M-PESA au Kenya, une plate-forme proposant depuis son mobile les services suivants :

  • Le dépôt et le retrait d’argent
  • Le transfert d’argent de particulier à particulier
  • Le paiement de factures (téléphone, électricité, eau, …)
  • L’achat de biens et services dans certains commerces
  • L’achat de minutes de communication

 

Safaricom et Vodafone ont donc créé la banque virtuelle sur le mobile. Aujourd’hui le service M-PESA compte plus de 13 millions de clients et s’est exporté en Tanzanie.

Suite au succès rencontré par l’opérateur Safaricom, Orange a décidé de se lancer dans cette même aventure en développant Orange Money, lancé sur le marché ivoirien en 2008. Les services proposés sont identiques à ceux de l’opérateur Safaricom à l’exclusion de l’offre de transferts internationaux.

Orange Money compte aujourd’hui 1 million de clients dans 6 pays différents : la Côte d’ivoire, le Sénégal, le Mali, Madagascar, le Niger, et plus récemment, en octobre 2010, le Kenya. Cependant, le nombre de souscripteurs à Orange Money reste faible comparativement à M-PESA. La restriction des services offerts au seul périmètre national (hors transferts internationaux) pourrait en être une des principales raisons.

Ces initiatives ont par ailleurs un réel poids dans le développement économique des pays hôtes : Le système de banque via le téléphone mobile, initié au Kenya, représenterait aujourd’hui plus de 25% du PIB du Kenya***. Il s’agit donc réellement d’un marché générateur de valeur et les initiatives se multiplient en Afrique (Zap, Wizzit), mais aussi en Asie (Smart Money, GCash) et en Amérique Latine (Mobile Money).

En Europe, le marché a été timidement initié par les opérateurs Belgacom (Belgique) et MobiSud (France et Maroc) qui ont noué un partenariat avec Maroc Telecom. Ce partenariat entre les trois opérateurs télécoms a été lancé en juillet 2010 et propose le transfert d’argent via le mobile entre la Belgique et le Maroc. Il s’agit là du seul service lancé en Europe à ce jour…

Un contexte favorable au lancement de tels services en France ?

L’absence notable des opérateurs français sur le marché national est-elle justifiée ?

Je dirais dans un premier temps que l’absence des opérateurs sur les services de paiement de factures et d’achat de biens et  services dans certains commerces paraît justifiée compte tenu du développement du NFC (Near Field Communication), plus propice à la situation française et dont les premiers essais sont particulièrement concluants.

A contrario, sur le marché des transferts de fonds internationaux via le mobile, de nombreux indices semblent indiquer que leur absence n’est- pas justifiée. Au premier rang d’entre eux : le montant important envoyé depuis la France à l’étranger, estimé à 8 milliards de dollars selon la Banque Mondiale.

En effet, le contexte socio-historique joue en faveur de la France. Selon l’institut national d’études démographiques, la France arrive en 6e position au classement des pays comptant le plus d’immigrés à l’échelle internationale, et en 2e position à l’échelle européenne derrière l’Allemagne. Ainsi, en 2010 la France comptait 6,7 millions d’immigrés soit 11 % de sa population. En outre, 42,9% de sa population immigrée totale (2,87 millions) est originaire de régions avec un faible taux de bancarisation (Afrique sub-saharienne, Maghreb,…). La base de clientèle est donc potentiellement importante !

Aussi, se positionner sur ce marché permettrait aux opérateurs français de :

  1. Activer un nouveau relai de croissance (chiffre d’affaire)
  2. Se positionner sur un nouveau service à valeur ajoutée (innovation, image de marque)
  3. Développer la marque à l’étranger (perspective de développement international à moyen terme)

Enfin, les 3 opérateurs français semblent avoir des cartes à jouer pour se positionner sur ce marché :

Orange possède une longueur d’avance sur SFR et Bouygues Telecom :

  • Une activité d’opérateur en Afrique et en particulier en Afrique francophone
  • Une plate-forme opérationnelle, Orange Money
  • Il ne lui reste donc plus qu’à « ouvrir » la plate-forme Orange Money en France et dans les pays européens où l’opérateur est présent pour ainsi permettre les transferts internationaux.

SFR esquisse ses premiers mouvements sur le marché. En effet, l’opérateur a récemment lancé le transfert de crédit de communication international en partenariat avec MoneyGram. Pour cela SFR peut tirer profit de la notoriété de son ex-actionnaire, Vodafone, et de sa proximité avec Maroc Telecom au sein du groupe Vivendi.

L’opérateur Bouygues Telecom, quant à lui, pourrait jouir de la renommée internationale de sa maison mère, Bouygues, en nouant des partenariats forts avec les acteurs clés de l’écosystème, j’ai nommé les STA, banques, IMF et autres opérateurs locaux.

Des atouts indéniables qui pourraient se traduire par des stratégies de lancement et de développement propres à chaque opérateur selon d’éventuelles ambitions internationales. Les conditions semblent donc réunies pour que les opérateurs français se lancent pour certains et s’affirment pour d’autres sur ce juteux marché du transfert de fonds internationaux via le mobile !

* : ONU

** : Nokia

*** : Reuters

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