Réparation des équipements IT : comment surmonter les freins à la durabilité numérique ?

Le numérique émet annuellement environ 1,4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (autant que la flotte mondiale de camions), représentant entre 2 % et 4 % des émissions mondiales [1]. Vous seriez surpris de savoir que le digitale Workplace, facette incontournable de l’IT, est responsable pour les entreprises de la majorité de ces émissions, principalement en raison du nombre de terminaux utilisateurs tels que les smartphones, les PC, les écrans et les imprimantes.

Aujourd’hui, 79 % de l’empreinte carbone du numérique provient des terminaux utilisateurs [2] et une année d’utilisation d’un ordinateur en France émet 24 fois moins de gaz à effet de serre que sa fabrication [3].

Fabriquer un smartphone demande l’extraction de près de 500 fois son poids en matières premières; et une puce électronique de seulement 2 grammes requiert l’extraction de 32 kg de matières premières (dont terres rares), soit 16 000 fois son propre poids [4].

L’enjeu majeur pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du numérique se trouve donc dans la phase de fabrication des équipements utilisateurs : allonger la durée de vie des équipements (jusqu’à six ans chez certains de nos clients) pourrait éviter la production de nouveaux appareils. En réduisant le nombre d’équipements existants, la réparation permet de basculer d’une logique de consommables à une logique de durabilité dans le temps, initiant un cycle d’économie circulaire. Par exemple, la notion d’indice de réparabilité (note sur 10 sur la réparabilité d’un équipement) est intéressante. Acheter plus réparable réduirait les freins liés à la réparation en fin de vie.

Un constat s’observe chez de nombreuses entreprises : opter pour le remplacement des équipements plutôt que leur réparation. Bien qu’il s’agisse de la solution la plus pratique pour les entreprises qui doivent parfois manager des flottes de plusieurs milliers d’équipements, elle n’est pas optimale pour minimiser l’empreinte environnementale du SI. Nous analyserons les différents freins à la réparation des équipements IT au sein des entreprises, et vous proposerons quelques solutions pour chacun d’entre eux. Il est temps de faire face à ces défis et découvrir comment adopter des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement dans le monde de l’informatique d’entreprise.

Avant tout, il faut noter qu’il existe deux scénarios possibles lorsque l’on envisage des réparations :

  • La réparation peut être effectuée en interne, impliquant la mise en place d’un système au sein même de l’entreprise ;
  • Il est aussi possible d’externaliser ce service en faisant appel à un prestataire spécialisé dans la réparation des équipements défectueux de l’entreprise.

Des délais de réparation trop longs : prévoyez un stock d’équipements de remplacement

La mise en place d’un service de réparation se heurte d’abord à un obstacle incontournable : les délais. En cas de mise en place d’une filiale de réparation en interne, la constitution de l’équipe, la recherche des pièces détachées et les réparations en elles-mêmes consomment un temps précieux.

Opter pour un prestataire extérieur n’écarte pas ce challenge, car il s’agit alors de jongler avec la recherche du partenaire idéal et les temps de réparation. La collaboration avec un prestataire spécialisé est une solution pour optimiser les délais de réparation (3 jours jusqu’à plusieurs semaines en fonction du prestataire et de la réparation).

L’avantage majeur de recourir à une société spécialisée réside dans sa résilience face aux aléas du marché des pièces détachées. Certains acteurs se dotent d’un stock de pièces détachées en récupérant les pièces d’équipements en fin de vie, éloignant ainsi les perturbations/pénuries du marché, et évitant les délais liés à la commande de pièces détachées.

Enfin, que vous fassiez appel à un prestataire ou que vous gériez les réparations en interne, la solution optimale réside dans la mise en place d’un stock d’équipements de remplacement prêts à l’emploi, évitant l’interruption d’activité de vos collaborateurs.ices. Certaines entreprises optent par exemple pour des Chromebook faciles à paramétrer, disponibles pour un besoin ponctuel, offrant ainsi une alternative rapide et fonctionnelle pendant l’interruption. La taille de votre entreprise et sa répartition géographique peut vous contraindre dans la mise en place de cette solution; et les quantités sont à réfléchir pour ne pas impliquer une augmentation déraisonnée des émissions du scope 3*.

Alternativement, certains prestataires peuvent vous fournir un équipement de remplacement prêt à l’emploi (déjà enrôlé). Ils envoient alors un équipement, puis viennent récupérer l’appareil défectueux.

Les prestataires sont également en mesure de déployer un.e technicien.ne pour réparer directement sur votre site, selon sa localisation et l’urgence de la demande. Dans ce cas, il est important d’être vigilants sur le mode de déplacement du partenaire.

Réparer le matériel informatique engendre des coûts : une rentabilité variable en fonction de l’âge de l’appareil

Quelle que soit l’option de réparation choisie (externalisation ou réparation en interne), les coûts financiers sont inévitables : mise en place du service, heures de travail, achat des pièces détachées, indisponibilité du/de la collaborateur.ice, etc.

La rentabilité d’une réparation se dessine en fonction de l’âge et de la durée de vie résiduelle de l’équipement concerné. Un calcul qui n’est ni toujours en faveur de la réparation, ni toujours contre elle, mais plutôt tributaire de paramètres tels que la vétusté de l’appareil, la nature de la panne et les années de service restantes.

Choisir de réparer en interne présente un avantage clair : mettre en place un service de réparation entier est coûteux, mais il n’est à mettre en place qu’une seule fois.

Il est également possible de travailler avec un professionnel externe pour limiter les effets sur le budget : profiter de l’expertise du spécialiste pour déterminer si la réparation permet d’optimiser la rentabilité de l’équipement. Les entreprises spécialisées dans ce domaine proposent différentes façons de facturer leurs services :

  • Des forfaits mensuels avec des tarifs fixes pour chaque modèle (incluant main-d’œuvre et matériel) ;
  • Une facturation spécifique pour chaque type de panne ;
  • Une facturation au devis ;
  • Des forfaits de maintenance pour une flotte entière, facturés à l’année ou au trimestre.

Nous savons par exemple que certains opérateurs téléphoniques proposent aujourd’hui des offres du type “smartphone à 1 €” si l’entreprise cliente choisit un forfait plus onéreux. Ces offres sont un frein immense à la réparation des smartphones, et encouragent l’achat de matériel neuf. Malgré ce modèle de tarification attrayant en apparence, le prix du forfait est bien plus conséquent que dans une situation classique. Nous vous recommandons donc de séparer l’achat du matériel du forfait. Certes le prix du smartphone sera plus élevé, mais le montant du forfait sera lui réduit, permettant des économies financières sur le long terme, en plus du gain carbone important.

Nous ne le détaillerons pas ici, mais des initiatives étatiques (ex. : la loi AGEC, bonus réparation, baisse de la TVA, etc.) encouragent également financièrement la réparation.

Mettre en place une filiale de réparation implique une organisation dédiée : les partenaires comme levier d’action rapide

Mettre en place un service de réparation en interne de votre entreprise nécessite la constitution d’une équipe dédiée (sans oublier la pénurie de profils disposant de ces compétences techniques), la prévision de l’espace requis, ainsi que l’acquisition des outils et pièces détachées nécessaires.

L’option de faire appel à un prestataire externe apporte aussi des défis : la recherche minutieuse d’un partenaire compétent et la révision de la structure organisationnelle pour s’approprier ce nouveau partenariat.

Si vous choisissez une externalisation complète, le prestataire peut endosser l’ensemble du processus. Il peut prendre en charge la logistique (récupérer l’appareil défectueux et envoyer l’appareil de remplacement), effacer les données de l’équipement (si besoin), et peut même parfois aller jusqu’à enrôler l’appareil pour une disponibilité quasi-immédiate. De plus, certains prestataires proposent un service de suivi très simplifié (dashboards, extranet, etc.).

Vous pouvez aussi opter pour une solution “hybride” : internalisation de votre filiale de réparation, en externalisant certains pans. Les experts de la réparation opèrent au cas par cas et peuvent vous proposer des services presque “à la carte”, par exemple :

  • Soutien sur-mesure pour la gestion de l’approvisionnement en pièces détachées : vous pouvez acheter vos pièces détachées auprès du prestataire ;
  • Accompagnement pour l’établissement d’une chaîne de réparation robuste ;
  • Parfois même, déploiement de technicien.ne.s dédié.e.s pour intervenir directement sur site, si une compétence technique vous manque.

En cas de craintes pour vos données : faites venir la réparation à vous

Malgré la sécurisation du processus de collecte et renvoi du matériel, vous pourriez douter de la protection des données de votre entreprise. Dans les cas de confidentialité très élevée, le prestataire peut procéder à la réparation, sur l’appareil verrouillé à l’aide d’un MDM, l’empêchant ainsi l’accès aux données de l’équipement.

Sinon, l’envoi d’un.e technicien.ne pour intervenir directement sur site empêche l’équipement de sortir de l’entreprise et ainsi de prévenir une potentielle fuite de données.

Réparation de vos équipements sans être propriétaire du parc : retravaillez votre contrat de leasing

Il est vrai qu’être propriétaire de la flotte informatique facilite les possibilités de réparation de celle-ci, en supprimant certains interlocuteurs dans la prise de décision.

Les offres de leasing existantes ne permettent pas forcément de mettre en place un service de réparation et poussent au renouvellement automatique des équipements à la fin des contrats (3 à 4 ans). Cependant, il est possible de revoir les contrats pour ajouter cette possibilité de réparation, permettant d’allonger la durée des contrats. Il est également envisageable, en fonction des loueurs, d’intégrer une condition de réparation des appareils.

Réparer son équipement en perdant la garantie constructeur : parfois une solution viable

Si vous évitez la réparation par peur de perdre votre garantie constructeur, certaines solutions sont envisageables. D’abord, il faut noter qu’il est possible de négocier une garantie plus étendue avec le constructeur. Toutes les pannes ne sont cependant pas incluses dans la garantie constructeur. Si vous passez par un réparateur et certifié par votre constructeur, ou s’il utilise des pièces homologuées, vous ne perdrez pas votre garantie. Si ce n’est pas le cas, nous vous conseillons d’évaluer les gains financiers et carbone de la réparation. En effet, il est parfois judicieux de perdre six mois de garantie constructeur pour allonger la durée de vie d’un équipement d’un ou deux ans.

Conclusion : l’allongement de la durée de vie des équipements, un enjeu majeur pour réduire l’impact environnemental de votre flotte

Nous avons vu que prévoir un stock de remplacement réduit le temps d’indisponibilité du/de la collaborateur.ice, et que déléguer à des spécialistes permet de gagner en efficacité et d’étudier la rentabilité des actions grâce à une vision d’expert. Les délais et coûts sont variables en fonction de la solution choisie, du prestataire choisi (si vous faites appel à un prestataire), et surtout en fonction des caractéristiques de l’appareil (modèle, âge, etc.). Il est même possible d’avoir recourt à une configuration hybride, mêlant les avantages d’un service en interne aux avantages du prestataire.

Un dernier défi à relever concerne la sensibilité environnementale. Chaque entreprise a des priorités différentes concernant sa politique RSE. Par exemple, certaines se concentrent sur la gestion de la fin de vie du matériel, pensant “compenser” l’inaction de réparation. De plus, dans certains secteurs comme l’industrie par exemple, les activités ont une empreinte carbone considérable en raison de leur nature (les activités industrielles elles-mêmes sont très émettrices), ce qui peut reléguer au second plan la question de l’empreinte environnementale du numérique.

Nous sommes convaincu.e.s chez Wavestone que nous avons un rôle essentiel à jouer en matière de sensibilisation. Nous croyons fermement que c’est par le biais de la sensibilisation que nous parviendrons à modifier les critères de décision, à donner une importance à l’impact de nos actions en matière de responsabilité sociale et écologique.

Les premières solutions identifiées ici peuvent vous aider à mener à bien certaines actions en phase avec vos objectifs, le plus simplement possible. Cependant il s’agit d’éléments de réponse génériques, à adapter au contexte opérationnel de votre entreprise et à rendre cohérent avec vos ambitions RSE et numérique responsable.

 

*scope 3 : émissions indirectes associées au transport, aux produits achetés, aux produits vendus, et autres émissions indirectes

 

[1] https://arxiv.org/abs/2102.02622 & Empreinte environnementale du numérique mondial | GreenIT

[2] https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-thematiques-transverses/lempreinte-environnementale-du-numerique.html

[3] https://www.greenit.fr/2010/02/26/24-fois-plus-de-co2-lors-de-la-fabrication-d-un-ordinateur-que-lors-de-son-utilisation/

[4] https://www.greenit.fr/2020/05/26/500-fois-son-poids-en-matiere-premiere/ & https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf

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