Travail et mobilité en entreprise : le digital bouleverse les normes

La crise sanitaire du Covid-19 a poussé les entreprises à repenser leur façon de travailler grâce à la transformation digitale. Auparavant en présentiel il est désormais possible de travailler depuis chez soi : c’est ce qu’on appelle le télétravail. Selon une étude de McKinsey, les entreprises auraient déployé le télétravail durant la crise sanitaire en seulement 11 jours pour leurs équipes contre 1 an en moyenne précédemment [1].

Le digital a accéléré la mise en place de nouvelles plateformes collaboratives pour les mobilités domiciles-travail tel que le covoiturage, l’autopartage en favorisant le service à la propriété ou en incitant les collaborateurs à utiliser des mobilités douces (vélos, marche…).

De nouvelles politiques gouvernementales, telles que la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) adoptée en 2019 donnent de nouveaux outils aux entreprises afin d’améliorer la mobilité domicile-travail de leurs collaborateurs (Crédit Mobilité, Forfait Mobilité Durable…). Cette nouvelle loi oblige également les entreprises à adopter un Plan de Mobilité Employeur (PDMe) ou encore à électrifier leur flotte de véhicules.

I – Les modes de travail évoluent vers une organisation hybride

La part du télétravail durant la crise sanitaire a fortement augmenté : peu utilisé par les salariés avant la crise (3% en 2017) [2], ils sont plus de 35% lors du premier confinement en 2020. (Source DARES : Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques). Cette progression est rendue possible par une transformation en profondeur des entreprises grâce aux progrès du digital, par exemple les outils collaboratifs ou encore le matériel mis à disposition par l’entreprises (ordinateurs portables, VPN…) qui permettent aux collaborateurs de travailler depuis chez eux.

Variation de la part du télétravail en France depuis le premier confinement (DARES [3])

Une étude menée par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a permis d’estimer que la pratique du télétravail pendant 2,9 jours par semaine contribuerait à baisser de 0,5% les émissions de gaz à effet de serre [4]. Cependant l’étude ne prend pas compte des éléments induits par le télétravail (effets rebonds) tel que :

  • Le renouvellement du parc informatique qui génère des émissions de CO2 supplémentaires : 83% des entreprises ont racheté du matériel informatique pour leurs salariés [5], alors que la fabrication d’un PC portable va générer en moyenne 130 Kg de CO2 [6]).
  • La pollution numérique qui ne cesse d’augmenter avec la demande grandissante des entreprises en matière de services (Visio-conférence, applications collaboratives…). La pollution numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre mondial [7] (soit 4 fois plus que toutes les émissions de la France [8].
  • Le déplacement des salariés intensifié par le télétravail : la pratique du télétravail augmente la distance moyenne parcourue par le collaborateur mais également la pollution

Evolution de la mobilité des collaborateurs français en fonction de la fréquence du télétravail [9]

La tendance du travail de demain sera au travail Hybride, soit une partie en présentiel et l’autre en télétravail !

93% des salariés aimeraient poursuivre le télétravail à l’avenir [10]. D’après une étude de l’observatoire Cetelem, les Français souhaiteraient télétravailler en moyenne 2,3 jours par semaine [11], un chiffre qui monte à 2,6 jours pour les salariés ayant télétravaillé pendant la crise sanitaire.


II – Le digital est un accélérateur de solutions de mobilités

De nos jours, les villes sont face à une sur-urbanisation : leur système de mobilité se retrouve en saturation. Les « anciennes solutions » n’arrivent plus à suivre la demande grandissante de la population. En effet, la création d’une nouvelle ligne de transport requiert plusieurs années d’élaboration et de travaux, ainsi qu’un investissement massif.

Les villes ont de réels enjeux à organiser les mobilités de demain, tout d’abord pour leurs concitoyens en améliorant l’accès aux services pour se déplacer, mais également pour répondre aux enjeux environnementaux, et particulièrement par celui de la mobilité décarbonée.

Le digital bouleverse les normes pour se déplacer, en intégrant de nouveaux acteurs et technologies.

Le transport en commun devient un transport individualisé par l’utilisation d’application comme Citymapper qui permet grâce à des algorithmes de trouver le meilleur itinéraire en utilisant différentes solutions de mobilités.

 

Le digital a accéléré le développement de plateformes collaboratives, comme Blablalines, qui met en relation les conducteurs et passagers dans le cas des trajets domicile – travail.

 

De nouvelles opportunités de mobilités émergent grâce au digital par le partage et la location d’une flotte de véhicules (vélo, trottinette, scooter, voiture)

 

De nouvelles solutions de stationnement : le smartparking ou « parking intelligent » qui permet de faire gagner du temps à l’utilisateur (une journée par an à chercher une place [12]) et d’optimiser les places de parking grâce à des capteurs et une solution digitale. Ces nouvelles solutions de stationnement séduisent les entreprises possédant une flotte de véhicule afin d’optimiser les coûts d’un parking.

L’une des principales tendances des mobilités se situe dans l’écosystème MaaS

Le MaaS pour « Mobility As A Service » est un écosystème hybride composé d’éléments digitaux (plateformes, applis…) et d’infrastructures physiques (véhicules…). Le MaaS a pour objectif de simplifier la vie de l’utilisateur dans sa mobilité. Il marque un changement de perspective du système de mobilité plus axé vers l’utilisateur en centralisant les fonctionnalités liées à l’information, la réservation et le paiement.

Le Maas grâce à une application permet d’agréger tous les moyens de transport disponibles en les proposant à l’utilisateur. Par cette unique application, il peut planifier son trajet, le réserver, le payer et valider son titre de transport. L’utilisateur ne paye alors que le service qu’il utilise et n’est pas soumis à un abonnement quelconque.

L’écosystème MaaS possède de nombreux avantages :

  • Apporter de la flexibilité, en tenant compte de la situation personnelle de chacun (handicap, préférence…) et des différents moyens de transport à proximité.
  • Simplifier le transport, grâce à une unique application qui permet d’accéder facilement aux informations.
  • Améliorer la fiabilité des transports, en fournissant des informations correctes en temps réel (par exemple lors d’une transition entre plusieurs transports).

De nombreuses agglomérations intègrent progressivement un écosystème MaaS au sein de leur plan de mobilité. C’est par exemple le cas de Mulhouse qui en 2019, avait le système MaaS le plus complet en termes de service (réservation, paiement…) et en termes de transports (5 modes de transport différents) [13].

Aujourd’hui à Mulhouse, une personne sur 4 possédant un abonnement aux transports en commun utilise l’écosystème MaaS (7000 personnes).

Le MaaS est un condensé de mobilité en une unique application


III – Les politiques d’entreprises s’adaptent pour répondre aux nouveaux besoins

Les entreprises doivent s’adapter en permanence à leur environnement en modifiant leurs politiques internes : le télétravail avec la crise du COVID-19 est un bon exemple des transformations en profondeur qu’elles peuvent initier.

Ces mêmes entreprises peuvent également réfléchir à la manière d’améliorer le déplacement domicile-travail de leurs collaborateurs, en proposant un système de « Smartparking » à l’instar des nouveaux campus d’ENGIE.

Pour inciter les entreprises à mettre en place des actions concrètes, le gouvernement a adopté la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) : le but est de les accompagner à changer le comportement de mobilité du quotidien de leurs collaborateurs, à travers de nombreux outils et obligations.

Les obligations de la LOM

  • Pour accompagner une transition vers des véhicules propres, la première obligation concerne l’électrification des flottes de l’entreprise par le biais de quotas évolutifs dans le temps sur l’intégration de véhicules propres. D’ici 2030, la moitié des flottes de l’entreprise devront être bas-carbone. De plus, à partir du 11 mars 2021, tous les bâtiments non résidentiels neufs devront être pré-équipés en bornes de recharge à hauteur de 20% des emplacements des places. [14]

Quota de l’électrification des flottes d’entreprises

  • À défaut d’accord lors des négociations annuelles obligatoire (NAO), la loi LOM impose aux entreprises de plus de 50 salariés : la rédaction d’un plan de mobilité employeur (PDMe). L’objectif est de définir des actions concrètes à mettre en œuvre pour optimiser et rationaliser les déplacements liés à l’activité de l’entreprise : covoiturage, transports en commun, modes alternatifs à la voiture individuelle.

Les outils de la LOM :

  • Le crédit mobilité est une solution financière qui remplace un véhicule de fonction. Le salarié peut renoncer de manière partielle ou totale à son véhicule de fonction, en échange d’une somme d’argent équivalente à sa valeur pour effectuer ses déplacements. Il peut également acheter un véhicule personnel pour effectuer les déplacements domicile – travail.
  • Le Forfait Mobilités Durables permet aux employeurs d’attribuer une indemnité exonérée de cotisations aux salariés privilégiant les modes de transport dits « à mobilité douce » pour effectuer leurs trajets entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail.  Ce forfait est plafonné à 500 € par an.
  • La LOM encourage la mise en place de flottes de vélos à assistance électrique par les entreprises pour leurs salariés, de manière gratuite. En effet, 25 % des frais engagés pour l’achat et l’entretien sont déductibles de l’impôt sur les sociétés.  [15]

Les locaux d’entreprises évoluent

Les nouvelles façons de travailler (NWOW) mises en place lors de la crise sanitaire impactent directement les entreprises. Ces dernières doivent revoir l’aménagement et la gestion de leurs locaux. De nombreux salariés souhaitent désormais télétravailler, induisant une baisse de l’utilisation des locaux d’entreprises : l’environnement de travail doit alors changer pour être modulaire et s’adapter au plus proche des besoins de l’entreprise et des collaborateurs. Deux changements majeurs ont été identifiés :

  • La dépersonnalisation des bureaux en « flex office » occasionné par la baisse du taux d’occupation des bureaux, pour optimiser la superficie des locaux d’entreprises. Une grande partie des salariés est favorable à cette décision:  « 79% des salariés sont prêts à abandonner leur bureau attitré au sein de leur entreprise et à passer en flex desk »​ [16].
  • L’augmentation des espaces de coworking qui permettra aux collaborateurs de sortir de leur isolement (télétravail) et de disposer d’un lieu de travail flexible.

IV – Conclusion

Le digital a contribué à l’émergence de nouvelles façons de travailler en apportant de nouveaux outils collaboratifs qui permettent le télétravail. Ce dernier a connu une adoption fulgurante depuis l’année dernière en raison de la crise sanitaire. Cependant, la présence au bureau reste essentielle : 78% des talents français plébiscitent un modèle hybride [17]

La mobilité a su évoluer grâce à des applications physiques et digitales toujours plus proches de l’utilisateur. Auparavant sur plusieurs applications différentes, elles sont maintenant regroupées en un seul endroit : c’est le MaaS (Mobility As A Service). Ce dernier propose d’agréger en une unique application des moyens de transports variés (covoiturage, location de vélo, trottinettes, transport en commun…) et les services associés : planification du trajet, réservation, paiement puis validation du titre de transport.

Les politiques d’entreprises sont en pleine transition avec la LOM qui incite et oblige les entreprises à repenser la mobilité domicile-travail de leurs salariés, mais également avec l’évolution des modes de travail qui impacte directement les locaux d’entreprises (baisse du taux d’occupation). Presque un quart des entreprises ont pour priorité l’accroissement de la flexibilité de leur parc [18], et la dépersonnalisation de leurs bureaux en « flex office ».


V – Sources

[1] McKinsey, «How COVID-19 has pushed companies over the technology tipping point—and transformed business forever », publié le 5 octobre 2020 à l’adresse : https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/how-covid-19-has-pushed-companies-over-the-technology-tipping-point-and-transformed-business-forever

[2] Direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques, «Quels sont les salariés concernés par le télétravail », publié en novembre 2019 à l’adresse : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/dares_analyses_salaries_teletravail.pdf

[3] Direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques, « Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19 », publié en avril 2021 à l’adresse : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/844aa4b675450a793622d79bb0f14691/Dares_Acemo-covid_Synthese_avril%202021.pdf

[4] Vie-publique.fr, « Télétravail : quels effets économiques », publié le 25 novembre 2020 à l’adresse : https://www.vie-publique.fr/en-bref/277379-les-effets-economiques-du-teletravail

[5] BNP PARISBAS 3 STEP IT, « Etude IT 2020 : le télétravail pourrait engendrer une hausse dramatique des déchets électroniques », publié le 3 novembre 2020 à l’adresse : https://bnpparibas-3stepit.fr/etude-it-2020-le-teletravail-pourrait-engendrer-une-hausse-dramatique-des-dechets-electroniques/

[6] Conseil Général de l’économie de l’industrie, de l’énergie et des technologies, « Réduire la consommation énergétique du numérique », publié en Décembre 2019 à l’adresse : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/consommation-energique-numerique.pdf

[7] Laetitia Devret, « Trois chiffres pour comprendre l’immense impact écologique du numérique », publié le 7 avril 2021 à l’adresse : https://www.europe1.fr/technologies/trois-chiffres-pour-comprendre-limmense-impact-ecologique-du-numerique-4036952

[8] UN Environment, « Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre » – Résumé analytique, 27 novembre 2018, 12 p. accessible : https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/26879/EGR2018_ESFR.pdf?sequence=17 , p. 2

[9] Forum Vies Mobiles, « Enquête nationale mobilité et modes de vie 2020 », publié en 2020 à l’adresse : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35081-Enquete-mobilite-francais-forum-vie-mobiles-2020.pdf

[10] ParlonsRH, « Télétravail : 93% des collaborateurs veulent poursuivre après la crise », publié le 25 mai 2021 à l’adresse : https://www.parlonsrh.com/media/teletravail-93-collaborateurs-veulent-poursuivre-apres-la-crise/

[11] Frédéric Thérin, « Observatoire Cetelem : les Français écartelés entre le pour et le contre le télétravail », publié le 30 mars 2021 à l’adresse : https://www.influencia.net/fr/actualites/tendance,pas-manquer,observatoire-cetelem-francais-ecarteles-entre-pour-contre-teletravail,11077.html

[12] Le Progrès, « Les automobilistes français passent 2 mois et demi à chercher une place de parking dans leur vie », publié le 25 octobre 2017 à l’adresse : https://www.leprogres.fr/lifestyle/2017/10/25/les-automobilistes-francais-passeraient-2-mois-et-demi-a-chercher-une-place-de-parking-dans-leur-vie

[13] Wavestone, « Benchmark des acteurs de l’écosystème MaaS », édité le 02/07/2019

[14] EVBOX, « Loi d’orientation des mobilités (LOM) : les obligations du tertiaire et des copropriétés», publié le 29 mars 2021 à l’adresse : https://blog.evbox.com/fr-fr/loi-orientation-mobilites-lom-obligations-tertiaire-coproprietes

[15] EDENRED, “Le plan de mobilité en entreprise : définition », publié le 01 mars 2021 à l’adresse : https://www.edenred.fr/anticiper%20les%20tendances/plan-mobilite

[16] Deskeo, « [SONDAGE] Flex office : vers la fin des bureaux attitrés ? », publié le 15 mars 2021 à l’adresse : https://www.deskeo.com/blog/sondage-flex-office/

[17] Sylvie Laidet, « Hybride, flexbile, à impact : voilà comment vous voyez le travail de demain », publié le 07 avril 2021 à l’adresse : https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/hybride-flexible-a-impact-voila-comment-vous-voyez-le-travail-demain

[18] HUB-GRADE, “Immobilier d’entreprise flexible en 2020, le panorama complet », publié le 24 novembre 2020 à l’adresse : https://blog.hub-grade.com/immobilier-dentreprise-flexible-en-2020-le-panorama-complet/

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