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Les ondes millimétriques et la 5G : une nouvelle dimension pour la téléphonie mobile

La 5G a pour objectif principal de répondre à la demande croissante de connectivité dans notre société moderne : voiture autonome, ville intelligente, agriculture connectée, télémédecine … soit tout un écosystème de dispositifs intelligents qui devront se raccorder au réseau mobile.

Les ondes radio millimétriques, ou mmWave, se placent en bonne position pour répondre à la diversification des usages basés sur le réseau mobile. Elles porteraient à elles seules une grande majorité des promesses de la 5G avec des accès Ultra-Haut Débit ainsi qu’un support radio autorisant la densification des communications mobiles.

Focus sur cette nouvelle gamme de fréquences jusque-là inexploitée par les précédents standards 2G, 3G, et 4G.

Les ondes radio, fer de lance des communications mobiles

Un signal (ou onde) radio, indépendamment de sa fréquence, a la particularité de pouvoir transporter de l’information sur plusieurs centaines de kilomètres dans un milieu de propagation comme le vide ou l’air. Ces propriétés font de lui un candidat idéal et historique pour des communications sans-fil. Rappelons les étapes clés d’une communication mobile par voie radio :

L’onde radio permet donc de transporter des données entre l’appareil mobile et l’antenne relais, que ce soit en émission ou en réception. En d’autres termes : sans onde radio, pas de communications sans-fil.

Le millimétrique, une nouvelle dimension pour la téléphonie mobile

Le spectre radio est partagé entre plusieurs services de communications comme la radio AM/FM (Amplitude Modulation/Fréquence Modulation), la télévision, le satellite et bien entendu la téléphonie mobile. En France, c’est l’ARCEP, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, qui est chargée d’attribuer les bandes de fréquences entre les différents services et opérateurs mobiles.

Les ondes millimétriques se trouvent sur la tranche des plus hautes fréquences des ondes radioélectriques avec une longueur d’onde [1] s’étalant de 1 à 10 mm, et une fréquence allant de 24 à 300 GHz [2].

Comme nous pouvons le constater ci-dessus, les générations mobiles 2G, 3G, et 4G s’appuient sur des fréquences radio allant de 700 MHz à 2,6 GHz, qualifiées approximativement de « moyennes ou basses » et bien inférieures aux fréquences millimétriques. Ces fréquences ont l’avantage de porter plus loin et de traverser davantage les murs et bâtiments que des fréquences plus hautes. En d’autres termes, plus la fréquence est basse, plus l’onde se diffuse et passe au travers d’obstacles. On retrouve ce même phénomène lorsqu’on écoute de la musique : plus on s’éloigne d’une source audio, moins on perçoit les aiguës qui sont à des fréquences plus hautes que les sons graves.

Mais alors, est-il incompatible d’utiliser des fréquences hautes, comme les ondes millimétriques, pour des applications de téléphonie et communications sans-fil ?

Ça dépend… Jusqu’à aujourd’hui, les ondes mmWave ont été écartées par les équipementiers et les opérateurs mobile, entre autres, pour leur faible portée. Néanmoins, si ces ondes ne permettent pas de couvrir des zones étendues, nous verrons dans cette seconde partie qu’elles présentent bien des avantages et font sens au regard des nouveaux défis de la téléphonie mobile.

1. Bande large et haut débit

Premier avantage, les fréquences millimétriques autorisent de bien meilleurs débits que les fréquences de téléphonie mobile historiques.

En télécommunication, il est important de distinguer la fréquence porteuse (ou de référence) et la largeur de bande de fréquence qui englobe les fréquences proches de la porteuse sur lesquelles un système va pouvoir communiquer en download (de l’antenne relais vers l’utilisateur) et en upload (de l’utilisateur vers l’antenne relais). Ces deux paramètres influent différemment sur la transmission d’un signal :

  • La fréquence porteuse impacte la capacité de transmission: plus la fréquence est basse, plus l’onde peut traverser des obstacles ;
  • La largeur de bande de fréquence impacte le débit possible d’un système: plus une bande de fréquence est large, plus le volume d’information qu’elle peut transporter, autrement dit le débit, est important [3]. Par analogie, on peut comparer la bande passante à la largeur d’un tuyau : plus le tuyau est large, plus le volume d’eau pouvant s’écouler est important.

Si cette notion de bande peut sembler anodine, elle fait l’objet d’une bataille économique acharnée entre les opérateurs qui se disputent les bandes les plus larges. Pourquoi ? Pour offrir un meilleur débit de communication, et donc une meilleure qualité de service à leurs utilisateurs.

Aujourd’hui, le spectre de fréquences utilisé par la 2G, 3G et 4G est complétement saturé et ne permet pas d’avoir des largeurs de bande suffisantes par opérateur (quelques dizaines de MHz tout au plus) pour espérer atteindre des débits supérieurs à plusieurs Mb/s. Il faut donc monter en fréquence sur des espaces moins utilisés, pour être en mesure d’avoir des largeurs de bande plus grandes et donc atteindre de meilleurs débits. Parmi les bandes candidates, on y retrouve évidemment la bande millimétrique.

A date, c’est le constructeur Samsung qui détient le record de bande passante avec une technologie mmWave qui lui a permis d’atteindre un débit d’environ 8,5 Gb/s (download et upload) sur une largeur de bande de 800 MHz (Source : Samsung). Par comparaison, selon le site Zone-ADSL, en 2020, le débit moyen atteint par la 4G en France était de 55 Mb/s en download et de 13 Mbit/s en upload. Bien que les chiffres de Samsung soient issus de conditions expérimentales, ils démontrent tout le potentiel que peuvent représenter les ondes mmWave. En pratique, il faudra plutôt s’attendre à une expérience de navigation de 100 Mbit/s à 4 Gbit/s selon les conditions d’usage et la situation géographique.

2. Micro-antenne et small cell

Un second avantage est la petite taille des antennes requise pour émettre et recevoir des ondes mmWave. La taille d’une antenne est effectivement proportionnelle à la longueur d’onde du signal émis. Travailler avec des ondes d’une longueur millimétrique permet donc d’avoir des antennes de quelques centimètres là où les antennes 4G, sur des fréquences plus basses, mesurent plusieurs mètres.

Au-delà de l’argument esthétique, les antennes mmWave pourront ainsi être placées plus facilement dans des espaces urbains denses ou en intérieur. Ce qui introduit la notion de small-cell : en réduisant la taille des antennes, il est possible de réduire les cellules (zone de couverture d’une antenne) à moins d’une centaine de mètre, le débit de chaque antenne pourra être partagé entre moins d’utilisateurs et ainsi éviter la saturation du réseau. De très hauts débits associés à des cellules de petite taille offrent ainsi de nouvelles perspectives, comme illustrées ci-dessous.

Attention toutefois, car si ce modèle de small-cell semble particulièrement adapté à des environnements indoors et urbains, il n’est pas possible de l’étendre à tout un territoire étant donné la faible portée des antennes mmWave, le coût de déploiement ainsi que le manque d’infrastructures (alimentation électrique, support, etc.) dans les régions les moins bien desservies. Dès lors, l’utilisation exclusive de technologies mmWave sur un réseau mobile semble compliquée et leur portée limitée persiste comme un obstacle majeur pour espérer un déploiement étendu aux zones rurales.

A noter également que les antennes mmWave possèdent une bonne directivité (capacité à concentrer l’énergie rayonnée dans une direction donnée). Des antennes de petite taille et fortement directives sont idéales pour des applications de beam-forming et de Massive MIMO. Nous aborderons plus en détail ces deux technologies dans un prochain article.

La 5G, une interface radio modulable en fonction des usages et besoins

La principale force de la 5G sera sa capacité à adapter dynamiquement son interface radio en fonction des usages et besoins. En d’autres termes, la couverture 5G pourra être assurée par différentes antennes émettant à différentes fréquences. La couverture mobile reposera ainsi sur un mélange de cellules de différentes tailles (femto, pico, micro et macrocellule) dans le but d’accroître la proximité entre les antennes relais et les terminaux mobiles.

La 4G a introduit ce principe avec l’attribution des fréquences de 700 MHz et 800 MHz, en complément de sa fréquence « cœur » de 2,6 GHz, pour faciliter la couverture de larges zones dite macro-cell. La 5G ira encore plus loin avec, à terme, l’utilisation de trois bandes de fréquences :

  • La bande 3,5 GHz (3,4 – 3,8 GHz) qui constitue la bande « standard » ou « cœur » de la 5G et offrant un bon compromis entre débit et portée. En France, l’attribution de ces fréquences s’est concrétisée en Novembre 2020. La bande est partagée entre quatre opérateurs SFR, Bouygues, Free et Orange. Ces derniers peuvent réutiliser les infrastructures 4G tout en appliquant la nouvelle norme 5G NR (New Radio) pour améliorer la qualité de service.
  • La bande millimétrique 26 GHz (24,25 – 27,5 GHz) qui permettra donc d’atteindre de très hauts débits pour répondre à des besoins localisés dans des zones très denses, et de développer de nouveaux services 5G. À ce jour, seule la bande 26,5 – 27,5 GHz est libre et peut être utilisée en France pour des expérimentations. Par la suite, l’intégralité de la bande sera progressivement disponible, sous réserve notamment d’une coexistence possible avec les réseaux de communication par satellite VSAT qui utilisent des fréquences très proches.
  • La bande basse 700 MHz (703 – 788 MHz), pleinement disponible depuis 2019, continuera à être utilisée par la 5G pour faciliter la couverture de larges zones.

L’attribution des fréquences 5G en France est présentée plus en détail dans l’article Digital Corner : « Le processus d’attribution des fréquences 5G en France ». Dans le monde, on retrouve ces trois bandes 5G mais à des fréquences différentes. Le 3GPP, un regroupement mondial d’organismes de normalisation en télécommunications, a définis les trois bandes comme telles : Low-band : 450 MHz – 1 GHz ; Mid-band : 1 GHz – 6 GHz ; High-band : 6 GHz – 90 GHz (Source : 3GPP).

Low-band Mid-band High-band mmWave
Plage de fréquence 450 MHz – 1 GHz 1 GHz – 6 GHz 6 GHz – 90 GHz
Débit moyen 10 Mbps à 50 Mbps 50 Mbps à 100 Mbps 100 Mbps à 4 Gbps
Portée en ligne de vue > 10 km 5 km 150 m
Largeur de bande standard d’un canal de transmission (Duplex) 10 MHz 15 ou 20 MHz  100 à 800 MHz (théorique)

Une interface radio dynamique combinée à l’utilisation des ondes mmWave permettra donc à la 5G de délivrer tout son potentiel et atteindre certains des KPIs visés, notamment le très haut débit, présentés dans l’article Digital Corner « La 5G, introduction et présentation générale des concepts techniques ».

La 5G mmWave, une technologie encore à ses débuts

Si la 5G se déploie un peu partout dans le monde, les opérateurs et les équipementiers privilégient la 5G sub-6 GHz (désignant les fréquences utilisées en 5G sous la barre des 6 GHz). En effet, comme évoqué plus haut, la 5G sub-6 GHz bénéficie d’un bon compromis débit/portée ainsi qu’un déploiement simplifié par la réutilisation du cœur de réseau 4G. On parle aussi de déploiement 5G NSA ou non-standalone.

Pour autant, certains pays comme les Etats-Unis, la Chine, ou la Corée du Sud ont pris de l’avance et commencent d’ores et déjà à commercialiser des offres 5G mmWave avec des fréquences supérieures à 6 GHz. A titre d’exemple :

  • Verizon confirmait en fin 2020 avoir étendu son réseau 5G mmWave à 55 villes américaines (Source : Services Mobiles)
  • En Corée du Sud, LG et Qualcomm mettaient en œuvre un premier réseau à ondes millimétriques au sein d’un campus universitaire (Source : Notebookcheck).
  • En Europe, c’est la Finlande, avec l’opérateur Elisa et l’équipementier Nokia, qui est le plus en avance et commencera à proposer la 5G mmWave dès 2021 (Source : Qualcomm).

La France, quant à elle, accueille plusieurs plateformes d’expérimentation sur la bande 26 GHz mais une commercialisation n’est prévue qu’à partir de 2022-2023. Ces expérimentations, présentées en détail sur le site de l’ARCEP, visent à clarifier les nouveaux usages permis par ces fréquences.

La 5G mmWave fait également l’objet de nombreuses préoccupations environnementales et sanitaires qui pourraient venir retarder son déploiement. D’un point de vue sanitaire, les premières simulations de l’ANSES [4] laissent présager un niveau de risque faible pour le vivant mais, comme le précise l’agence, « à l’heure actuelle, les données ne sont pas suffisantes pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques dans la bande 26 GHz »  (source ANSES). Des études européennes et mondiales doivent être menées sur des populations plus larges pour évaluer les effets sanitaires éventuels de ces ondes.

Quant à l’impact environnementale, il est plus compliqué à déterminer. En effet, la digitalisation de notre société et l’upgrade des réseaux mobiles au standard 5G induisent respectivement une consommation d’énergie croissante et un renouvellement des équipements télécoms. Néanmoins, la digitalisation offre aussi de nouveaux moyens de faire : la visio-conférence remplace de plus en plus les déplacements en voiture, train ou avion ; les smart-cities permettront de mieux gérer la consommation d’énergie ou d’éviter les embouteillages par exemple, tout cela ayant un impact positif pour l’environnement !

L’équation n’est donc pas simple et si l’opinion publique tend à être réticent à l’arrivée des technologies 5G mmWave, ce sont pourtant bien ces fréquences qui offriront à la 5G la révolution numérique promis.

 

[1] Les ondes se différencient et sont classées en fonction de leur fréquence, exprimée en Hertz, et correspondant aux nombres d’oscillations en une seconde. Si on utilise une fréquence pour les mesurer, c’est avec une longueur qu’on les qualifie. Plus connue sous le nom de longueur d’onde (λ), elle peut se définir par la distance qui sépare deux oscillations successives. Elle est inversement proportionnelle à la fréquence. Autrement dit, plus la longueur d’onde est grande, plus la fréquence est courte.

[2] Entre 3 et 30 GHz, on parle au sens strict du terme d’ondes centimétriques, mais l’Arcep, en charge de réguler les communications en France, explique que l’on peut parler de bandes millimétriques lorsqu’elles sont supérieures à 24 GHz.

[3] L’augmentation des débits ne repose pas que sur la fréquence mais également sur les nouvelles techniques de transmission radio. La norme 5G NR (New radio) optimisera l’accès radio et notamment le codage (OFDM) et la modulation (256QAM). Ces techniques seront abordées dans un prochain article.

[4] Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale

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