Smart Building : Quelle connectivité pour le bâtiment intelligent ?

Les technologies numériques s’invitent de plus en plus dans le quotidien des Français. Le bâtiment tertiaire ne fait pas exception à la règle et devient chaque jour davantage « intelligent », produisant une masse de données qu’il est aujourd’hui indispensable de valoriser. En quelques chiffres, le bâtiment représente, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), 43% de la consommation énergétique mondiale alors que le taux d’occupation moyen d’un bureau est communément évalué entre 45 et 55 %. Le potentiel gain engendré par l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et l’optimisation de l’usage des surfaces en font les principaux enjeux de la transition numérique des bâtiments tertiaires.

Les systèmes techniques des bâtiments traditionnels (GTB, contrôle d’accès, vidéosurveillance, systèmes de sécurité incendie, etc) ont toujours été historiquement très fermés et silotés. L’objectif premier du bâtiment connecté est de rompre ces silos pour permettre la libre circulation de la donnée, au sein du bâtiment, comme avec des services externes. Une fois collectée et structurée, cette donnée a pour vocation l’amélioration de l’exploitation et de la maintenance, la construction de nouveaux services à valeur ajoutée pour les occupants et la réduction de l’empreinte énergétique du bâtiment.

 

En parallèle, l’internet des objets (IoT), a vu ses coûts baisser significativement ces dix dernières années, favorisant ainsi le déploiement exponentiel de capteurs et la collecte toujours plus importante de données. A titre d’exemple, KONE, leader en France des ascenseurs, équipe ces derniers de capteurs pour surveiller et analyser plus de 200 paramètres afin d’agir avant qu’une défaillance ne survienne. Advizeo, startup éditrice de solutions pour la performance énergétique, déploie quant à elle des sondes et capteurs pour offrir une visibilité fine sur la consommation énergétique au sein d’un bâtiment.

 

Consommant peu d’énergie, les solutions de communication IoT s’imposent depuis quelques années dans le bâtiment. L’IoT suscite alors beaucoup de questions à commencer par le choix de la connectivité.

LoRa, le protocole sans fil qui s’impose dans le bâtiment

Les technologies Bluetooth, Wifi, ou encore ZigBee permettaient déjà de connecter des objets dans le bâtiment mais ne sont pas adaptées pour des communications longue portée.  Le prix des réseaux cellulaires M2M (machine to machine), plus adaptés pour cet usage longue portée, est un frein aux déploiements massifs. Par conséquent, les réseaux LPWAN, caractérisés par une faible consommation et une couverture large, ont gagné en popularité avec la croissance de l’IoT. En effet, ces réseaux sont idéaux pour connecter des capteurs sur batteries remontant périodiquement une faible quantité de données (température, géolocalisation, pression…). Ils permettent également aux objets connectés de communiquer sur de longues distances, jusqu’à 5 kilomètres en milieu urbain et 45 kilomètres en milieu rural.

Bien que Sigfox, créé en 2009, soit précurseur, LoRa est aujourd’hui en train de s’imposer comme le nouveau standard mondial. La LoRa Alliance rassemble en effet 500 entreprises et 33 opérateurs dans le monde tels que Bouygues Telecom et Orange en France. Comme confirmé lors du SIDO 2019, LoRa possède bien des atouts qui en font avec certitude un des protocoles les plus adaptés à la connectivité des objets du bâtiment.

 

Bien que l’usage de LoRa soit de plus en plus répandu pour les besoins IoT dans le bâtiment, il est indispensable d’avoir en tête que tous les cas d’usages ne sont pas adaptés. Au même titre que les autres réseaux LPWAN, son utilisation est déconseillée pour la remontée de données critiques ou temps réel. Il est fortement recommandé d’étudier les différentes technologies de communication au regard des cas d’usages pour sélectionner la plus appropriée en prenant en compte les contraintes de temps réel et d’environnement. Enfin, la 5G, dont le lancement commercial est prévu l’année prochaine, le Wifi 6 ou encore le LiFi, dont l’utilisation reste encore marginale, pourraient prendre un rôle important dans la connectivité du bâtiment dans les années à venir.

 

L’interopérabilité, facteur clé de succès du bâtiment connecté et communicant

Historiquement au sein du bâtiment, les différentes fonctions techniques telles que pilotage du confort, de l’éclairage, de la sureté et de la sécurité, sont gérés par « îlots d’automatisme ». Ces systèmes reposent sur des infrastructures techniques distinctes (automates, réseaux, bus terrain, etc), généralement peu ou pas connectées, communiquant via des protocoles industriels spécifiques assez fréquemment propriétaires. Par conséquent, les différents systèmes produisent de nombreuses données qui ne sont que trop rarement exploitées au-delà du système en question.

Il est donc nécessaire de libérer ces données cloisonnées afin de leur permettre de circuler en toute sécurité, à l’intérieur du bâtiment comme avec les services externes. L’interopérabilité entre systèmes est clé : elle maximise la capacité d’un système à s’adapter aux évolutions des usages. On distingue ainsi trois niveaux d’interopérabilité :

  • L’interopérabilité physique liées aux installations et aux données d’exploitation
  • L’interopérabilité de l’information qui implique l’adoption d’un langage commun
  • L’interopérabilité des données d’usage c’est-à-dire l’adoption d’une architecture évolutive prenant en compte les mises à jour tout au long de la vie du bâtiment

En juin 2018, la Smart Building Alliance a lancé le label « R2S » (Ready2Services), préfigurant le « Building As a Service ». Il se destine à la fois aux constructions neuves et aux bâtiments tertiaires en exploitation et défini le socle technique et organisationnel minimal nécessaire à la mise en place de nouveaux services. L’interopérabilité y tient évidemment une place prépondérante. L’utilisation de protocoles de communication standards et ouverts (ex : Bacnet, Modbus, etc), la mise en place d’un réseau IP unique et transverse ainsi que le recours aux APIs comme standard de communication avec les services sont autant de recommandations fortes qui garantissent la capacité des systèmes à communiquer entre eux dans le temps.

Par ailleurs, une nouvelle brique d’interopérabilité est en train d’émerger au cœur du bâtiment : il s’agit du « Building OS ». Véritable système d’exploitation du bâtiment, son rôle est d’assurer le lien entre les différents systèmes techniques et les services. Il collecte, structure, centralise l’ensemble des données du bâtiment et met à disposition sous un format standard et documenté (API) des données contextualisées. Le BOS permet ainsi aux services consommateurs de données d’accéder à celles-ci sans être directement interconnecté aux systèmes techniques du bâtiment.

Les startups SpinalCom et B.TIB, au travers de son offre Linksper, sont probablement les deux acteurs les plus avancés sur le sujet du Building OS. Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur ces acteurs et le concept émergeant du Building OS dans un prochain article.

 

 

Vers des capteurs plus intelligents avec l’Edge Computing

L’interopérabilité n’est pas le seul enjeu de la connectivité. En effet, comme évoqué précédemment, choisir un capteur n’est pas chose facile. D’une part, ce choix doit se faire en fonction de la spécificité du besoin, du type de données à collecter, des contraintes d’environnement ainsi que des éventuels coûts engendrés pour le concevoir. D’autre part, l’autonomie d’un capteur sans fil est un critère essentiel à ne surtout pas négliger. L’évolution des batteries et les technologies de communication faiblement énergivores ont rendu possible la mise en place de capteurs « longue autonomie » sur batterie voire même sans alimentation, comme le propose EnOcean. Pour illustrer, les capteurs utilisés par GRDF dans le cadre de son compteur communiquant (Gazpar) ont une durée de vie annoncée de 20 ans et ceux déployés par SUEZ peuvent théoriquement être autonomes pendant 15 ans. L’enjeu réside alors dans l’optimisation de la durée de vie du capteur pour limiter les coûts de remplacement.

Ainsi, on constate une tendance qui consiste à rendre les capteurs de plus en plus intelligents. Ces derniers peuvent désormais traiter en temps réel la donnée et sélectionner les informations à remonter, réduisant ainsi le volume de données vers le Cloud ainsi que le nombre de flux échangés et améliorant de fait l’autonomie du capteur. La startup Z#bre, à titre d’exemple, propose une solution permettant de visualiser l’utilisation réelle des espaces.  Embarqués au cœur de leurs capteurs, des algorithmes apprennent et comprennent leur environnement afin de remonter uniquement les données pertinentes.

Historiquement porté par le Cloud, le traitement de ces données est aujourd’hui davantage décentralisé au plus proche du terrain grâce à une architecture distribuée.  Cette configuration, appelée Edge Computing, permet de limiter les besoins de puissance de calcul en central, croissants avec l’augmentation massive du nombre d’objets connectés. Alternative plausible au Cloud dans les prochaines années, le marché de l’Edge computing est évalué à 19,5 milliards de dollars en 2023 selon une étude de Market Research Future.

 

 

En conclusion, la transition numérique du bâtiment et l’effervescence du marché du Smart Building représentent une belle opportunité pour les startups du secteur. En effet, ces acteurs sont nombreux et positionnés sur différents volets du bâtiment intelligent comme les services liés au confort des occupants, à l’efficacité énergétique, à la sécurité, à l’amélioration de la maintenance, à l’optimisation des espaces ou sur des volets d’avantages technologiques tels que la gestion des données, le BIM ou encore les capteurs. Ainsi, le cabinet de conseil Wavestone, qui fait désormais partie de la Smart Building Alliance, sortira à l’automne 2019 un radar des startups françaises positionnées sur le marché du Smart Building.

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