Les pays émergents : nouvel eldorado du smartphone

L’annonce est presque passée inaperçue en cette rentrée 2015, Microsoft en pleine restructuration de sa marque Nokia annonce la sortie du Nokia 215. Disposant d’un design qui n’a rien à envier au mythique Nokia 3310, ce « feature phone » intègre de base plusieurs services comme Facebook, Messenger, Bing et le navigateur Opéra. Son prix ? 25 euros, nu et sans subvention. Que vous soyez un adepte de la marque à la pomme ou un inconditionnel des produits Android, vous ne vous sentirez certainement pas concerné par ce produit. Et pour cause : vous n’en êtes absolument pas la cible.

La cible se situe au Moyen Orient, en Europe de l’est, en Afrique ou en Inde. Le marché des pays développés arrivant à maturité, les géants de la téléphonie s’intéressent désormais aux « next billions », c’est à dire les milliards d’habitants restants à équiper en Smartphone. Entre promesse de chiffre d’affaire rapide pour les acteurs télécoms et véritable opportunité pour les consommateurs : le futur de la téléphonie mobile se joue désormais bien loin des frontières des pays développés.

Nouveaux marchés, nouveaux relais de croissance

Un récent rapport du Gartner affirme que 78% des ventes de Smartphones proviendront des pays émergents d’ici à 2018. Un bouleversement profond pour le marché qui serait principalement dû à deux choses :

  • L’émergence d’une classe moyenne dans les pays émergents, demandeuse de nouvelles technologies et disposant d’un pouvoir d’achat important ;
  • Une offre téléphonie qui s’adapte aux contraintes géographiques et monétaires, ainsi qu’aux besoins de cette nouvelle clientèle.

Ainsi, en Inde, la chute des prix des terminaux et des services data associés a permis de quasiment doubler les ventes de Smartphones en un an (selon les chiffres de l’International Data Corporation). En adaptant leurs offres, les constructeurs ont permis le développement exponentiel de ce nouveau marché.

XiaomiCette explosion des marchés dans les pays émergents va de paire avec une hausse de la concurrence. Même si le bipolarisme Apple/Google déjà observé sur les marchés des pays développés  reste fort, de nombreux constructeurs locaux deviennent, trimestre après trimestre, des acteurs incontournables. C’est le cas de la start-up devenue multinationale, Xiaomi, qui en l’espace de 3 ans est devenue le premier vendeur de Smartphones sur le marché chinois (avec une croissance de 227% en un an) – et 3ème constructeur mondial. En Inde, ce sont les entreprises Micromax, Karbonn ou encore Lava qui, en proposant des produits adaptés à la classe moyenne, ont réussi à faire chuter les parts de marché du coréen Samsung.

Une approche spécifique pour répondre aux besoins locaux

La promesse de chiffre d’affaire que représentent ces nouveaux marchés ne doit, pour autant, pas occulter la complexité de ces nouveaux territoires commerciaux pour les entreprises. Cette complexité provient essentiellement des traitements locaux spécifiques à adopter pour répondre aux besoins des populations : une offre « mondialisée » n’apportant que très rarement les résultats escomptés par les entreprises. Cette déclinaison locale de l’offre intervient à deux niveaux :

  • Au niveau du terminal, tout d’abord, la compétitivité prix devient le critère essentiel : les pays émergents ne proposant que très rarement des Smartphones subventionnés dans le cadre de leurs contrats de forfaits télécoms. Les constructeurs chinois l’ont bien compris et proposent des modèles de Smartphones à la compétitivité inégalée et au rapport nombre de fonctionnalités/prix impressionnant : il suffit de consulter les fonctionnalités des Smartphones proposés par le constructeur chinois Xiaomi pour s’en convaincre. Cette optimisation passe par une marge, un budget marketing et une R&D bien inférieurs à ceux des géants Apple et Samsung et par une logique de volume qui vise avant tout à conquérir un maximum de parts de marché. Seul impératif sur lequel les constructeurs locaux sont intransigeants : la taille de l’écran. En effet, une récente étude a prouvé que les utilisateurs dans les pays émergents souhaitent disposer de l’écran le plus grand possible. Le Smartphone étant, dans certains pays, le seul terminal dont dispose l’utilisateur pour lui permettre de naviguer sur internet ou consommer du contenu vidéo ;
  • Au niveau des services proposés, ensuite. L’usage des réseaux sociaux (Facebook mais aussi MXit le réseau social sud-africain) et des messageries instantanées est devenu dans un laps de temps très court un incontournable pour les pays émergents (et ce également dans la sphère professionnelle). C’est d’ailleurs bien souvent l’argument marketing phare des acteurs de la téléphonie.

Android oneGoogle  s’est ainsi imprégné des spécificités des pays qu’il adresse aujourd’hui et propose, dans le cadre de son projet Android One, l’accès à YouTube en mode Offline afin de compenser le peu de data proposée dans les forfaits téléphoniques Indien (un service qui ne fera, sans doutes, jamais partie de la stratégie de Google pour les pays développés). Le géant de Mountain View s’est également associé à des opérateurs locaux, pour permettre aux utilisateurs de télécharger des applications sur son store sans que ce débit soit décompté de leurs forfaits (dans une limite de 200 Mo par mois). Une approche coûteuse qui pourrait s’avérer payante sur le long terme pour endiguer une concurrence locale de plus en plus agressive sur ces nouveaux marchés.

Les entreprises désireuses de partir à la conquête de marchés « vierges » devront, elles, se tourner vers d’autres localités, et faire face à d’autres challenges.

L’infrastructure : un pré-requis essentiel au développement

S’il est facile de développer son activité dans les localités disposant déjà d’infrastructures comme l’Inde ou le Moyen Orient, le développement dans certains pays d’Afrique ou d’Amérique du Sud demeure plus difficile.

Les difficultés sont multiples et peuvent concerner l’absence de réseau électrique, la corruption locale ou des problématiques de sécurité intérieure… Des pays comme leSmartphone 1 Cameroun ou l’Uruguay présentent de véritables « No Man’s Lands » technologiques très difficiles à adresser par les acteurs télécom. Proposer un réseau performant avec un spectre suffisamment large est donc un véritable challenge pour ces entreprises. Pour ces raisons, ces pays choisissent généralement de déployer des réseaux 3G, bien moins onéreux que des réseaux LTE ou 4G, pour couvrir les besoins locaux et développer rapidement un marché. Will Stofega, directeur de programme mobile pour IDC, l’affirme : la 3G répond aujourd’hui à la majorité des besoins de la population et restera la norme encore dans les années à venir pour ces pays.

Outre les intérêts des entreprises, ce développement exponentiel de ces nouveaux marchés télécom constitue avant tout une formidable opportunité pour les utilisateurs. En effet, dans plusieurs régions c’est la première fois que les populations peuvent accéder facilement à Internet. Ces nouveaux utilisateurs qui ont fait l’impasse sur la génération PC, communiquent avec leurs proches et naviguent sur les sites internationaux via leurs smartphones. Cette nouvelle fenêtre technologique ouvre la voie à des usages jusqu’alors inexistants dans certains de ces pays. Véritable levier pour l’emploi via les plates-formes de réseaux professionnels (ex : Uusi le « Linkedin » Sud-Africain) et facilitateur pour la gestion et le transfert d’argent, le smartphone représente un véritable accélérateur de développement pour ces pays.

 

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