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Apple & NFC : la patience pour stratégie

Les rumeurs autour du lancement de services sans contact « made by Apple » auront été nombreuses jusqu’au moment fatidique de la keynote du 12 septembre. En effet, si la majorité des grands constructeurs ont déjà intégré la fameuse puce NFC dans les dernières gammes de leurs smartphones, la firme à la pomme n’a pas suivi le mouvement et n’a donc pas bouleversé les usages ni le marché.

Pourquoi Apple a-t-il décidé d’aller à contre courant de la tendance NFC ? Quelles sont les conséquences pour le marché des services NFC ?

« Le NFC n’est pas la solution à tous les problèmes actuels »

C’est ce qu’aurait déclaré dans une interview le Vice Président marketing d’Apple, Philip Schiller.
En refusant d’intégrer une puce NFC dans son dernier smartphone, la firme à la pomme a en effet réaffirmé ses convictions exprimées il y a déjà plus de 3 mois : le marché autour du NFC n’est pas mature et les besoins des utilisateurs pas suffisamment clairs.

En effet, si les opportunités derrière cette technologie sont nombreuses (voir notre article du 23/07/2012), force est de constater qu’il existe encore de multiples modèles autour des services NFC mais toujours aucun écosystème « standard » à l’échelle internationale. Cela est particulièrement visible pour les paiements sans contact où l’intensité concurrentielle est tellement forte qu’elle a fait naître de nombreuses solutions hétérogènes. Les Etats-Unis en sont le parfait exemple car les fournisseurs de services, les opérateurs mobiles et même les marques et enseignes de grande distribution essaient d’y pousser leurs propres écosystèmes de paiement NFC. Phil Schiller a déclaré qu’Apple n’entrerait pas [maintenant] dans cette guerre où chaque acteur essaie d’avoir sa part du gateau.

Si les banques profitent du renouvellement des terminaux de paiement (TPE) des commerçants pour augmenter la couverture des services NFC ou si quelques marques expérimentent timidement des stickers NFC, la technologie reste aujourd’hui trop peu présente dans le quotidien des consommateurs pour que les usages en soient banalisés.

Quel intérêt pour Apple de se lancer dans cette équation aux multiples inconnues ?
La firme à la pomme a su attendre que la couverture de la technologie 4G soit suffisamment importante à l’échelle mondiale pour l’intégrer dans son dernier terminal alors que son principal concurrent, Samsung, l’avait déjà embarqué dans son Galaxy S3 six mois auparavant. Il n’est finalement pas étonnant de la voir adopter la même réaction concernant l’adoption du NFC.

Une approche (trop) timide d’Apple vers les « usages NFC »

Bien que n’embarquant pas la technologie NFC dans son nouveau smartphone, Apple ne tourne pas complètement le dos aux usages qui y sont associés.

En effet avec la sortie de iOS 6, la nouvelle version de son système d’exploitation mobile, Apple a lancé son service « Passbook » : un portefeuille digital sous forme d’une application native permettant de centraliser des cartes de fidélités, des titres de transport, des tickets de cinéma, etc. et de les utiliser via des technologies simples telles que les codes barres (QR Code y compris). Comme indiqué par le Vice président marketing d’Apple : « Passbook fait le genre de choses dont les clients ont besoin aujourd’hui ».

Si la technologie et les usages associés à cette solution ont le mérite d’être plus connues du grand public, il n’y a toujours rien d’innovant dans la démarche d’Apple car de telles services étaient déjà disponibles sur l’AppStore bien avant Passbook, en particulier l’application FidAll sur le marché français qui compte déjà une centaine de d’enseignes dans son catalogue contre 2 seulement pour Passbook en France (Auchan et Leclerc).

Concernant le partage de fichiers en peer-to-peer, l’iPhone 5 reste en retrait par rapport à ses concurrents et n’embarque que la technologie Bluethooth 4.0 comme son prédécesseur. Contrairement aux appareils fonctionnant sous Android, l’iPhone laisse toujours peu de degrés de libertés au stockage et à la gestion des fichiers en local et Google possède aujourd’hui une bonne longueur d’avance avec son système de partage de fichiers NFC baptisé « S Beam ».

En panne d’innovation, Apple aurait-il loupé le virage du sans contact mobile ou est-ce le calme avant la tempête ?

Des cartes à jouer… mais beaucoup de monde autour de la table

Apple ayant l’habitude de développer des services dont il maîtrise la quasi-totalité de la chaîne de valeur, il est difficile de croire que la firme construira à terme un écosystème ouvert permettant l’interopérabilité des services NFC.

Cette trajectoire semble se confirmer par les nombreux brevets déposés par la firme concernant des services NFC comme le démontre le dessin ci-dessous qui représente une méthode de confirmation d’une transaction de paiement via le futur portefeuille mobile d’Apple (« iWallet » ?) :

Dessin d’un brevet d’Apple concernant son système de m-payment (source : PatentlyApple.com)

Cependant, même si Apple revendique 435 millions de cartes de crédit enregistrées dans sa plateforme iTunes, même s’il est expert de l’ergonomie des services et que sa notoriété n’est plus à démontrer, rien n’est gagné d’avance.

En effet, du côté de la concurrence, Google a eu les mêmes ambitions après avoir lancé son portefeuille digital NFC « Google wallet » aux Etats-Unis il y a un an. Le géant du web n’a pas cru bon d’intégrer les opérateurs mobiles dans la construction de son écosystème NFC et a vu son service « refusé » par 3 des 4 leaders du marché américain de la téléphonie mobile, ceux-ci s’étant alliés pour développer leur propre solution NFC baptisée ISIS qui est fortement inspirée du modèle français Cityzi.

En retardant son entrée dans la bataille, Apple reste donc concentré sur les besoins actuels de ses clients et se positionne finalement comme observateur de la (trans)formation du marché mondial des services NFC. Les acteurs du marché ont donc au minimum 12 mois devant eux pour peaufiner leurs solutions avant l’éventuelle sortie d’un iPhone NFC et d’une « killer feature » qui sera mûrement réfléchie.

En attendant, Google a déjà fait évoluer son porte-monnaie digital dans le cloud pour ouvrir un peu plus son service aux USA et Microsoft a récemment profité du NFC World Congress à Nice pour présenter son portefeuille mobile « WP8 wallet » dont les premiers services seront lancés par Orange en France. La réaction des consommateurs nous dira peut-être qui, des pionniers ou des « observateurs », seront les leaders des services NFC de demain.

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