Crowdsourcing : quand la foule se met au service des opérateurs (mobiles)

Le crowdsourcing en quelques mots :

Pour commencer, voici une petite explication sur ce qu’est le crowdsourcing. Littéralement « approvisionnement par la foule », le crowdsourcing est un « des domaines émergents du management de la connaissance : c’est le fait d’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre de personnes (des internautes en général), en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur. » (Wikipedia).

Crowdsourcing richesse idées

 

Plus simplement, c’est faire appel à une masse anonyme de personnes pour réaliser des tâches faites auparavant par des employés (pour notre cas idéalement de situation technologique et géographique différente).

Notons qu’il s’agit ici d’une seule application du crowdsourcing, dans l’environnement mobile des opérateurs télécoms. Il existe beaucoup d’autres applications par exemple sur le fixe ou même en dehors des opérateurs (quelques exemples ici).

Jusqu’à présent, chez les opérateurs…

Les opérateurs télécoms sont obligés par l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) de contrôler la qualité de leurs réseaux mobiles et leur déploiement. À titre d’exemple, Orange et SFR doivent atteindre un taux de couverture de 98% de la population en 3G pour l’échéance du 31 décembre 2011. Si ce n’est pas le cas, l’ARCEP peut les sanctionner par des mises en demeure, comme cela a été le cas pour un opérateur il y a quelques mois (sanction retirée quelques mois plus tard grâce à une amélioration de son taux de couverture).

Drive test couverture réseau
Drive test de couverture réseau (source www.tel-et-com.com)

Pour mesurer la qualité de leurs réseaux mobiles, les opérateurs devaient jusqu’à présent réaliser des campagnes de tests complexes. Ces campagnes, généralement d’envergure nationale, s’organisent en déployant des équipes dans toute la France et sur une durée avoisinant l’année.

Ces équipes sont composées d’auditeurs qui mesurent la qualité des services voix et data grâce à un équipement spécialisé, qui leur permet de capter les informations réseaux (puissance du réseau, disponibilité, couverture, …) sur chaque zone géographique, de les enregistrer puis de les analyser. Les opérateurs peuvent alors repérer des antennes défectueuses, des trous de couverture réseau et tout simplement de mesurer le taux de couverture de chaque technologie (GSM, GPRS, EDGE, 3G, …).

Ces campagnes sont donc très coûteuses pour les opérateurs, très longues à mettre en place et demandent un nombre important d’auditeurs disponibles.

… et maintenant :

Depuis peu, certains opérateurs ont décidé de mettre en place un moyen alternatif de contrôle de la qualité de leur réseau qui a de nombreux atouts.

Cette solution utilise le crowdsourcing. En effet, il existe plusieurs applications smartphone permettant aux utilisateurs de connaître leurs infos réseau, notamment leur débit de connexion. Ces informations (qui sont partiellement celles récupérées par les auditeurs lors des campagnes de tests) sont très importantes pour les opérateurs.

À noter que les applications disponibles aujourd’hui sur smartphone permettent essentiellement de mesurer des données de connexion data et non voix.

En partageant ces informations avec leur opérateur, les utilisateurs participent à une partie des campagnes de test du réseau. Cela permet aux opérateurs d’augmenter le nombre de données récupérées tout en diminuant considérablement les coûts.

Homme iPhone 4 applications
Utilisation d’un iPhone 4 (source FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA)

De la même manière que pour les campagnes classiques, l’opérateur peut déterminer si son réseau possède des défauts de couverture et où ils se trouvent, ce qui lui permet d’améliorer la qualité de son réseau.

Ce système permet aux deux parties d’être gagnantes :

  • l’utilisateur aura un réseau de meilleure qualité
  • l’opérateur améliorera sa qualité de service

Les opérateurs ne sont pas les seuls à s’en préoccuper : dans une ville du Vermont (Etats-Unis), un gouverneur a demandé à ses citoyens de référencer sur une carte toutes les zones dans lesquelles il n’y avait pas de couverture réseau. Une action déterminante pour pouvoir offrir le réseau mobile à tous les habitants de la région.

Les utilisateurs qui envoient leurs données sont volontaires (ou pourraient éventuellement être faiblement rémunérés), puisqu’ils profitent de cette amélioration du réseau et permettent ainsi aux opérateurs de diviser parfois jusqu’à 100 fois leur budget « tests réseau ».

Une solution qui a ses limites :

Pour que les analyses des données collectées par le crowdsourcing soient pertinentes, il faut un minimum de quelques milliers de sources de données. Il faut donc que de nombreux utilisateurs s’impliquent, et pas seulement la population technophile. Ceci est d’autant plus vrai qu’une bonne répartition géographique améliorera encore cette pertinence.

Plus les informations seront récupérées sur des terminaux et des abonnements variés, plus les opérateurs pourront améliorer leur service et connaître la « vraie » vie des clients mobiles.

La question du respect de la vie privée des utilisateurs n’est pas à négliger. La collecte de données ne doit pas se faire à l’insu des utilisateurs, surtout si les données collectées concernent aussi des informations personnelles. Il est donc important que ce soit l’utilisateur qui installe son application, et non pas le système d’exploitation ou l’opérateur. Ces derniers proposent des systèmes de remontées d’informations où l’utilisateur doit donner son consentement explicite. Mais généralement, cela est noyé dans un texte juridique que peu de personnes lisent… certains acteurs n’ayant pas eu cette démarche se sont d’ailleurs fait attaqué (AppleMicrosoft entre autres), ce qui montre à quel point le sujet est sensible.

Ces inconvénients sont gérables par les opérateurs s’ils veulent bénéficier d’une bonne solution alternative. Il faut tout d’abord solliciter leurs utilisateurs en prouvant que leur contribution améliore effectivement le réseau et peut être proposer des incitations concrètes (points par exemple). Ensuite, l’éthique des opérateurs doit jouer pour garantir l’anonymisation des données.

Le crowdsourcing de la qualité réseau, une solution unique ?

Les campagnes de tests décrites en début d’article ne permettent « que » de qualifier le réseau pur. La raison est que ces campagnes sont réalisées avec un équipement optimal (terminaux dernière génération, abonnements data illimités) et ne peuvent donc pas décrire réellement ce que vivent les clients au jour le jour.

Cette nouvelle méthode d’analyse permettra dorénavant aux opérateurs de qualifier l’expérience de ses clients mobiles (Quality of Expérience) et non plus seulement la qualité de service de son réseau (Quality of Service).

On peut légitimement se demander alors si la QoE ne remplacera pas purement et simplement la QoS à terme.

L’essor de la QoE crowdsourcée permettra de compenser le recul des budgets QoS et s’améliorera au fur et à mesure de sa généralisation. Cependant, la bascule entre les deux logiques ne pourra se faire que lorsque le crowdsourcing garantira un relevé méthodique et exhaustif. Une situation qui peut très bien ne jamais arriver…

6 thoughts on “Crowdsourcing : quand la foule se met au service des opérateurs (mobiles)

  1. Un exemple: Bouygues Telecom propose, à ses collaborateurs pour le moment, de tester son application « Qualité de service réseau ».

  2. Il y a confusion entre les différents éléments. Le crowdsourcing est outil qui permet de faire autant de la QOE que de la QOS. Son avantage : démultiplier les sources mais ce qui conduit aussi à limiter le nombre d’informations évaluées ou leur complexité.
    La QoE c’est un ressenti client, compréhensible par tous.
    La QoS c’est un critère technique.

    Certains éléments tels le débit sont à la croisée des 2 dénominations.

    Article intreressant : http://www.bortzmeyer.org/qos-ou-qoe.html

  3. Bonjour bib,

    Avant tout, merci pour votre retour.

    Je ne vous rejoins pas sur tous les points. Pour moi, la QoE n’est pas un ressenti client. Le ressenti client est mesuré chez les opérateurs par des questionnaires de satisfaction client. Les résultats qui en sortent sont purement déclaratifs et ne proviennent donc pas d’une mesure de qualité à proprement parler.

    Pour moi, l’auteur de votre article mélange donc QoE et satisfaction client.

    La QoE mesure la qualité du point de vue client final. C’est-à-dire la qualité des services rendus par les opérateurs, en prenant en compte la situation de l’utilisateur (terminal, abonnement, atteinte ou non du fair use, …). La QoE est mesurée selon des critères aussi techniques que la QoS.

    La QoS mesure, comme je le dit dans l’article, la qualité de service fourni par les opérateurs, indépendamment de ce que possède l’utilisateur final. Elle permet de qualifier techniquement le réseau (point sur lequel je vous rejoins) mais « dans l’absolu », par exemple pour comparer les opérateurs entre eux, ou pour transmettre des résultats à l’ARCEP.

    Je suis d’accord avec vous sur le fait que le crowdsourcing est uniquement un outil et qu’il a des avantages et des inconvénients, mais je pense que c’est un bon moyen de compléter les mesures de QoS.

    A bientôt sur telcospinner !

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