Start-ups et CAC40, l’alliance impossible ?

Le foisonnement actuel des start-ups en France, au sein d’un écosystème en plein boom, ne peut laisser insensible des Grands Comptes aux perspectives moroses. Un des remèdes envisagés pour réussir leur transformation digitale, gagner en agilité et éloigner le spectre de la désintermédiation est de s’associer avec des jeunes pépites. Côté start-ups, c’est une promesse de moyens financiers, humains et techniques très importants, mais une menace sur leur identité et leur liberté.

Quelles formes peuvent donc prendre cette cohabitation ? Comment faire travailler main dans la main David et Goliath dans un partenariat gagnant-gagnant ? 

La start-up, au service de la performance du Grand Compte

La vente d’offres par marque blanche

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La Box Light d’Ijenko

Dans une première logique de pure commercialisation, la start-up peut voir son offre vendue en marque blanche par un Grand Compte. C’est par exemple le cas d’Ijenko, dont la Box Light (box d’optimisation d’énergie) a été lancée par plusieurs énergéticiens comme Direct Energy. Conséquence : la start-up devient une sorte de SSII ayant créé une solution sur mesure, et dont la notoriété peut-être happée par celle du Grand Compte. Une des issues possibles est alors qu’elle soit rachetée par l’entreprise commercialisant le produit.

 

Le sponsoring et le mentoring

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Le Numa

Les Grands Comptes prennent part à des événements ponctuels ou aident des structures d’aide aux start-ups : incubateurs, fab labs, pépinières, accélérateurs ou autres espaces de coworking. Le NUMA réunit ainsi sur 1 500 m2 et six étages un espace de travail partagé, une zone d’événements, mais aussi un accélérateur.

Ce rapprochement s’inscrit plutôt dans une démarche de rencontre de l’univers start-up, de veille et d’écoute des nouveaux business models potentiels. Aucune ouverture technique n’entre en jeu ici, seuls une orientation des thèmes et un accompagnement par des professionnels sont proposés.

Le financement

Les entreprises peuvent encore choisir de participer au capital de start-ups, en les finançant dès leur phase d’amorçage. Il existe différents modes de financement : création d’un fonds en propre, capital-risque ou encore financement direct de start-ups.

Ce modèle de co-construction est initialement orienté par une logique financière plus que par une démarche métier. L’apport au business de l’entreprise reste donc nul ou limité, jusqu’à ce que le rachat ou la prise de participation minoritaire enclenche des réelles recherches de synergies.

Le rachat de start-ups

Pour accélérer leur adaptation aux évolutions du marché, de nombreuses entreprises optent pour le rachat de start-ups. Orange, après plusieurs échecs de produits développés en interne (Bubble, Pikeo) semble privilégier une stratégie de rachat de pépites françaises, en investissant par exemple dans Deezer et Dailymotion : leurs applications respectives sont désormais intégrées dans les smartphones Orange.

Le risque de ce modèle est de « tuer la start-up dans l’œuf », en cas d’intégration totale des équipes au Grand Compte. Rattrapée par les processus traditionnels du géant, la start-up y perd son agilité, qualité pourtant recherchée à l’origine par l’acheteur.

On voit donc rapidement les limites de ces types d’associations devenues classiques : les deux types d’acteurs nouent des liens sans que la culture du plus fort soit réellement impactée. Pour véritablement porter la culture d’innovation propre aux start-ups, certains Grands Comptes vont plus loin.

Le Grand Compte, moteur d’un écosystème d’innovation

L’organisation d’événements

Depuis quelques années, les concours de start-ups se multiplient, parfois directement organisés par les entreprises. Orange et Bouygues Telecom ont mis en place des concours d’applications mobiles autour du paiement mobile ou de la 4G, respectivement dénommés les « NFC Awards » et « le Challenge Start-Up ».

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Les NFC Awards d’Orange

Les hackathons sont aussi devenus un standard pour les grandes entreprises. Axa et Microsoft ont lancé un hackathon sur les objets connectés, et récompensent les dix meilleurs projets. Ceux-ci se voient offrir l’accès à des fab labs, un coaching et un prix de 5 000€.

Le gain pour les entreprises : détection de talents et d’idées à valeur ajoutée, mise en œuvre pilote via des applications dans un laps de temps très court, visibilité dans la communauté des nouvelles technologies, image d’entreprise innovante…

Open data & APIs

Ces hackathons s’appuient très souvent sur des données de l’entreprise organisatrice, qui procure ainsi la matière nécessaire aux développements d’idées. Certaines entreprises donnent accès de manière plus pérenne à leurs plateformes techniques et données, de manière plus ou moins ouverte via des APIs.

En première approche, il s’agit pour les grandes entreprises de créer un écosystème de créateurs de services autour des données que leur activité génère. Les start-ups, elles, profitent de cette aubaine en disposant d’une masse de données avant tout début d’activité, ce qui représente un accélérateur majeur.

Reste la question du contrôle de l’écosystème et des retombées. Dans le cas de l’open data, l’impact est plutôt du côté de la qualité de service (SNCF depuis 2011 avec Tranquilien par exemple) ou de la transparence citoyenne (nosdeputes.fr). Dans le cadre d’une ouverture de données plus traditionnelle, une entreprise peut donner un accès gratuit à une petite structure et, en cas de succès, la grande entreprise touchera une somme à chaque utilisation des données.

Les GAFA, par leur succès, sont leaders et affichent des milliards de requêtes par jour. Côté français, les initiatives sont plus timides, avec notamment SNCF, Orange ou Crédit Agricole.

Incubateur dédié

levillagebycaPour aller encore plus loin, les Grands Comptes commencent à proposer leurs propres incubateurs. C’est le cas du Crédit Agricole avec le « Village », une pépinière de 1 800m2 au cœur de Paris pouvant accueillir jusqu’à 100 start-ups, et qui s’est associé avec des prestataires de services comme Microsoft et des industriels tels que GDF Suez.

Les start-ups choisissant ces incubateurs intégrés se donnent une bonne visibilité et un certain confort. Mais elles y perdent potentiellement de la liberté de mouvement, en étant limitées aux thématiques recherchées par l’entreprise hôte. Cela va à l’encontre du mode de développement des start-ups, qui survivent parfois en pivotant complètement, à l’image de Burbn (application de géolocalisation) devenue Instagram. De leur côté, les grandes entreprises s’assurent un maximum de retombées de leurs efforts d’innovation, en orientant les efforts d’innovation et en permettant une rencontre physique entre les deux univers.

On le voit, les modalités d’interaction entre Grands Comptes et start-ups sont très variées, à la fois sur les formats, l’investissement nécessaire ou les retombées attendues. Le Grand Compte rêvant de surfer sur la vague de la French Tech doit donc établir une stratégie pleinement adaptée à son contexte : quels objectifs, quels atouts pour séduire cet univers, quelles limites dans le contrôle des créateurs.

La forme la plus aboutie de cette co-construction est l’intrapreneuriat, où ce sont les employés qui se comportent à la manière d’une start-up mais en restant au sein de l’entreprise. C’est David incorporé aux Philistins !

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